Le hêtre
27 Mai 2015
Fagus grandifolia, le hêtre américain ou hêtre à grandes feuilles
Introduction
Le hêtre américain, ou hêtre à grande feuille est un arbre urbain sous-évalué. Sans nier qu’il puisse être sensible à certains éléments de la réalité urbaine, il fait nul doute qu’il peut offrir un aspect ornemental de grande valeur, à condition de rester conscient de ses vulnérabilités, dont nous parlerons plus loin.
Le hêtre, un arbre au goût raffiné
Le hêtre est sans conteste un arbre à l’allure magnifiquement raffiné. La première chose qui impressionne est son écorce unique en son genre. Douce et lisse au toucher, on peine à croire qu’il s’agit d’un arbre! Gris pâle, argenté et presque bleu, l’écorce du hêtre fait penser à de la peau d’éléphant. Il arrive aussi que la couleur tire plutôt vers le brun rougeâtre, mais dans les deux cas, l’écorce de cet arbre est de soi une valeur décorative. Parfois décorée de petites taches rondes, on résiste difficilement à l’envie de s’approcher pour apprécier l’esthétique par le sens du toucher.
Étant de croissance assez lente, les nouveaux ensembles résidentiels ne posséderont pas de spécimens de grande taille. Autrement, un hêtre mature peut atteindre de 22 à 25 mètres de hauteur, avec une largeur de cime d’environ 18 mètres. Normalement, il s’agit d’un arbre à croissance très verticale, au port très égal, mais aux petits rameaux légèrement ondulés. Si, au début de son développement, le hêtre s’élance vers le haut, vers la fin de sa croissance, les rameaux descendront pour se diriger à l’horizontale.
Profiter de l’ombre d’un hêtre mature en cours arrière est une expérience particulière. À son écorce pâle s’ajoutent ses feuilles ovales et dentées qui laissent quelques rayons de soleil passer. En effet, en début de saison estivale, les feuilles seront plutôt pâles, d’un vert argenté, alors l’ambiance du pique-nique en dessous devient presque exotique. On profite alors des chants d’oiseaux qui se nourrissent des noix et d’un éclairage particulier, se mariant aux couleurs vives de chaque composante du hêtre.
Plus tard dans l’été, les feuilles, en forme de bout de lance, d’environ 5 à 12 cm de longueur, deviendront plus foncées. À l’automne, est prendront une teinte de bronze, mais tomberont probablement au printemps suivant, surtout dans le cas d’un arbre plus jeune.
Les fruits et la faune
Son fruit est à mi-chemin entre la noisette et la châtaigne. Comestible et sucré, il est recommandé de les faire griller pour ne pas se retrouver avec des maux de ventre. Il est possible de produire de l’huile à partir de ses noix que l’on appelle les faines. Celles-ci sont recouvertes d’une coquille aux épines molles. Rustique au Québec, le hêtre collabore à la faune en nourrissant de son fruit une grande variété d’animaux, notamment les oiseaux et les rongeurs. À cet effet, le hêtre est un arbre indigène qui contribue au maintient d’une faune saine en milieu urbain.
Conditions optimales
Bien que le hêtre sache résister à la pollution en général, il ne s’agit pas de l’aspect qui le rendrait au plus haut point recommandable. Pour assurer la pérennité du hêtre, certaines conditions sont à respecter.
En bordure de rue, il semble qu’il ne dispose pas des ressources nécessaires pour ménager le sel de déglaçage, il faut donc éviter une plantation qui le mettrait dans une telle situation. L’arrière-cour sera donc l’idéal, à moins d’habiter dans une région où les rues sont traitées au sable. Il restera ensuite à minimiser le compactage du sol, ce qui constitue une autre intolérance de la part du hêtre. Par ailleurs, avec sa hauteur d’environ 25 mètres et sa largeur de 18 mètres, une distance de onze mètres est recommandée avec les fils électriques.
Ensuite, les conditions idéales sont un ph acide, un sol riche, bien drainé, ainsi qu’une exposition modérée au soleil. Pour lui donner un habitat semi-ombragé, il suffit de le planter près d’un autre arbre. En effet, le hêtre semble plus à l’aise lorsqu’il doit rivaliser avec d’autres arbres, ce qui n’est pas si étrange, considérant que c’est là l’état naturel des arbres en forêt.
En ce qui concerne les racines, elles sont superficielles, on ne s’inquiète donc pas pour les canalisations souterraines. La plantation se fait mieux en pot ou en racine. Fait important : le hêtre a un besoin particulier de mycorhize, un champignon symbiotique dont les racines de 80 % des végétaux sont dépendantes pour bien fonctionner. Dans le cas du hêtre, des recherches ont démontré qu’une carence en mycorhize pouvait pénaliser substantiellement la reprise au printemps. On peut amender le sol d’une mycorhize achetée en pépinière dès la plantation. Autrement, dans le cas d’un arbre déjà planté, on peut faire l’application en perçant des trous d’environ trois pouces dans le système racinaire pour y mettre la mycorhize. Certains arboriculteurs en offrent le service. Il est facile d’obtenir un forfait lors d’une taille d’arbre.
Élagage du hêtre
Étant un arbre à croissance lente, les besoins en élagage seront moindres. Hormis une taille de formation en jeunesse pour assurer une structure forte à long terme, une élévation de la couronne devra être faite jusqu’à ce que la hauteur appropriée de la cime devienne naturelle. En effet, ayant un port qui se développe assez bas, les rameaux du hêtre adolescent pourront gêner la circulation des individus. Sur quelques années, il faudra élaguer ces branches dérangeantes. Il faudra aussi surveiller la présence du bois mort et le faire enlever pour la sécurité.
En intendants bien avisés, on plantera cet arbre à un endroit qui ne forcera pas l’élagage excessif. Planté sous des lignes électriques, l’arbre se ferait couper la tête régulièrement, ce qui est nocif pour l’arbre et laid pour les regards. Sachant que l’arbre atteint une hauteur considérable, il faut savoir d’avance si on est à l’aise à avoir un arbre aussi gros dans notre cours. En effet, un élagueur qui connaît et respecte les règles de l’art en arboriculture n’accepterait pas même d’être payé pour commettre la sottise qu’est l’étêtage d’un arbre si précieux.
On reconnaît en outre la solidité du bois de cet arbre. En effet, son grain entrelacé le rend dur comme du fer. À la main, on arrive difficilement à casser une petite branche grosse comme le petit doigt. Cela signifie deux choses, l’une : les rameaux horizontaux au-dessus des infrastructures ne risquent pas de briser au premier coup de vent. L’autre, les propriétaires d’un hêtre gagneront à garder le bois d’élagage pour le chauffage, reconnu comme l’un des meilleurs (hormis le fait qu’il est aussi le plus dur à fendre). Il est intéressant aussi de savoir que, parmi les utilisations artisanales, les poignées d’outils, comme les marteaux, sont souvent faites avec du bois de hêtre. Dans tous les cas, pensez-y deux fois avant de laisser votre émondeur partir avec ce bois précieux.
Les maladies
Le hêtre n’est pas reconnu comme un arbre particulièrement sensible aux maladies. Pourtant, quelques-unes sont dignes d’être mentionnées ici.
L’anthracnose, maladie fongique qui s’attaque aux feuilles. Quand on remarque des lésions sur le feuillage, des taches brunes et rougeâtres, mieux vaut couper les rameaux qui les portent et les brûler.
Pour le reste, dans de rares occasions, de petits comme de grands champignons peuvent surgir de l’écorce. Contactez alors un arboriculteur certifié pour confirmer la présence des maladies suivantes : le faux amadouvier, le ganoderme plat, ou encore le polypore incolore. Il faudra ensuite juger de la gravité. Parfois, un arbre peut souffrir la présence d’un agent pathogène. Autrement, l’abattage de l’arbre pourra être recommandé.
La maladie corticale du hêtre, étant la principale maladie à observer, mérite d’être décrite avec plus de détails. L’écorce sera mortifiée par la présence de du champignon pathogène, ce qui se manifestera avec un aspect arrondi. L’écorce morte laissera couler un liquide du brun au rouge. Si l’arbre est trop fortement atteint, il sera mieux d’opter pour un abattage. Par ailleurs, la maladie étant contagieuse, l’abattage pourrait aussi être une mesure préventive pour les autres hêtres à proximité.
Bibliographie
- Bertrand, Dumont. Guide des arbres, arbustes et conifères pour le Québec. Broquet, 2005.
- Farrar, John Laird. Les arbres du Canada. Les Editions Fides, 1996.
- (forester.), Michael D. Williams. Guide D’identification des Arbres du Québec et de L’est de L’Amérique du Nord. Broquet, Incorporated, 2008.
- Hodgson, Larry. Arbres. Saint-Constant, Qc: Broquet, 2012.
- Langlais, Guy. La taille des arbres ornementaux. Saint-Constant, Qc: Broquet, 2002.
- Marie-Fleurette, Beaudoin, Gaudet Martin, Rocray Pierre-Émile, et Michel Labrecque. Les arbres de Montréal. Fides, 1997.
- Pellerin, Gervais, et Hydro-Québec. Répertoire des Arbres et Arbustes Ornementaux: 1760 Espèces et Variétés de Végétaux du Québec. Gouvernement du Quebec, publications vendues, 2010.
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Très bien écrit, cet article. Merci.
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