Mon arbre, notre faune

Mon arbre, notre faune - Développement durable
06 Mai 2016

Dans le dernier article concernant l’approche écosystémique en développement durable, nous avons démontré comment la compréhension des structures trophiques (c’est-à-dire les rapports de nutrition entre les différentes espèces) peut aider à gérer la faune urbaine de façon optimale. En effet, la végétation, les insectes et les animaux ne cessent pas d’agir en interaction étroite avec l’environnement lorsque nous nous trouvons en ville. Les changements et les transformations que l’être humain apporte à son environnement perturbent les communautés naturelles des écosystèmes. Or, l’approche à adopter, et qui est prônée par le développement durable, n’est pas de retourner à un mode de vie sauvage ou primitive. L’idée est de connaître le mieux possible les relations entre les différents membres de la communauté végétale et animale indigène pour faire des choix qui peuvent bénéficier pour nous, mais aussi pour la faune urbaine.

Communautés et structures trophiques

L’échelle trophique est assez simple. Les végétaux ont le rôle trophique de producteurs, car ce sont eux qui produisent de la biomasse en ne consommant presque rien, si ce n’est que de l’eau, des minéraux et quelques petits rayons de soleil. Cette biomasse n’est autre que la masse de matière vivante, formant un équilibre de vie animale et végétale dans des milieux biologiques quelconques. Les végétaux sont aussi appelés autotrophes, par le fait qu’ils sont quasi autonomes dans la communauté trophique.

Puis, il y a les consommateurs, ce sont les insectes, les animaux, et vous, et moi. Il s’agit des herbivores, des prédateurs ou même des parasites. Les consommateurs sont dits hétérotrophes, car ils ont besoin de l’énergie produite par une autre espèce, que ce soit végétale ou animale.

Ainsi, en observant les communautés biologiques indigènes des écosystèmes, il est possible de prévoir le résultat de certains changements amenés par nos aménagements. Par exemple, si, à un endroit donné, se trouve une abondance d’un certain type de végétaux (en raison d’un certain type de sol et/ou insectes), il se trouvera, dans la communauté, des consommateurs adaptés à cette production de biomasse. Et alors, dans ce système, se trouve tout un équilibre fragile de relations entre prédateurs, herbivores et parasites. Disons que se voit bâtir une ville dans ce même milieu. Les végétaux indigènes sont rasés, soit parce qu’ils prennent de la place, soit parce qu’on les a baptisés de « mauvaises herbes ». Par suite, les habitants aménagent les lieux par des végétaux qui leur plaisent, mais qui attire de nouveaux consommateurs, que ce soit insectes ou animaux. Le résultat : la communauté est perturbée, plusieurs espèces disparaîtront, et le tout fait boule de neige avec toutes sortes de problèmes liés à notre environnement. En l’occurrence, ce sont les maladies de nos végétaux qui deviennent incontrôlables, ce qui est souvent pallié par des produits chimiques, qui à leurs tours amènent d’importantes perturbations.

L’application dans différents domaines

Bien sûr, avec des choix avisés, axés sur des végétaux locaux, indigènes et variés, il est possible d’avoir des aménagements qui maintiennent la faune locale à un niveau de santé acceptable et qui permettent la survie des espèces animales indigènes. Si les perturbations sont limitées, avec le temps, la diversité des espèces et la structure trophique peuvent retrouver leur stabilité. Comme en témoigne la résilience de certains écosystèmes qui ont survécu à des incendies ou des inondations, avec un peu d’amour, nos milieux urbains pourront être des havres de paix pour la faune.

Ici sont invités tous ceux et celles qui ont pour métier la production ou la modification des végétaux. Les agriculteurs ont de plus en plus accès à des alternatives naturelles aux pesticides, mais il faut aller plus loin encore. Dans leur cas, il s’agit d’utiliser les connaissances des écosystèmes pour créer des agroécosystèmes qui permettront de la meilleure production tout en améliorant le sort de l’environnement. En créant des systèmes où les plantes sont agencées en fonction de leur complémentarité, on obtient des agroécosystèmes plus résilients contre les parasites et susceptibles de meilleures récoltes. Toutes sortes de maux sont alors diminués ou éliminés, car l’utilisation d’engrais et de pesticides diminue considérablement.

Si les agriculteurs savent que des changements peuvent amener des résultats durables, l’aménagement paysager a son bout de chemin à faire. En effet, les aménagements ne se font que très rarement avec l’aide de nos experts en écologie. Pourtant, en combinant nature, culture et paysagement, nous pourrions contrer la dégradation de nos ressources. En premier lieu, il faudrait se demander s’il y a des espèces végétales ou animales qui pourraient souffrir de nos choix d’aménagement et voir si des alternatives durables et productives existent. Nos choix de végétaux vont-ils faire décroître la vie animale indigène et accroître la non-indigène? Sachant qu’un centre-ville est généralement composé de 80 % de pavé et de bâtiment et de 20 % de végétaux, il est important d’optimiser ce peu d’espace vert pour contrer l’homogénéisation de la flore.

Pour nous qui sommes émondeurs et arboristes, notre mandant est le maintient d’arbres en santé. Si le pourcentage de végétation est plus élevé en banlieue qu’au centre-ville, il n’en demeure pas moins notre tâche de pourvoir, pour nous et les générations futures, une végétation dense et productive. Notre rôle n’est pas d’exécuter servilement toutes les demandes des clients, mais plutôt d’apporter de l’information pour sensibiliser les gens quant à la santé de leurs arbres. À nous de conseiller les clients pour la plantation d’arbres, à nous d’insister pour réparer plutôt que d’abattre les arbres, à nous de ne pas couper plus que nécessaire.

À nous, et à tous, l’intendance de la création.

Dominic Perugino - Arboriste
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Dominic Perugino

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