Les inconvénients des arbres

Une rue de Montréal parsemée d'arbres matures
13 Juil 2022

Les arbres, les arbres, toujours les arbres. Que dire sur les arbres ? Ils embellissent un quartier, créent de l’air pur, de l’ombre, de la fraîcheur, du silence. Ils attirent les oiseaux qui nous détendent par leurs chants. Ils stabilisent les sols, ils augmentent notre qualité de vie. Je dois l’avouer, sur ce blogue, on ne parle que de la beauté, de la grandeur et de la majesté des… Pardon, me voilà reparti! Il ne fait aucun doute que les arbres comportent de nombreux avantages, et notre magazine est dédié à en faire la promotion. Ne devrions-nous pas parler un peu aussi des… inconvénients ? Ne nous choquons pas, ce n’est pas méchant, on veut juste faire face à la réalité. D’ailleurs, si nous, arboristes, devons nous battre pour sauver des arbres contre les abattages inutiles, c’est qu’il doit bien y avoir une personne ou deux au Québec qui voient des inconvénients! Soyons honnêtes, des désavantages à avoir des arbres, il y en a.

Les arbres sont idéalisés, c’est normal, avec tous les bienfaits qu’ils donnent, par exemple… Non, je me ressaisis! À trop éviter de parler des inconvénients, on se fait des attentes irréalistes de notre expérience avec les arbres. En bref, ils sont essentiels pour notre bien-être, mais ils viennent avec leur lot de responsabilités. En gardant les pieds sur terre, et en gérant nos attentes, on sera dans une meilleure position pour faire des choix arboricoles, de la plantation à l’entretien de l’arbre mature.

Quand on vit avec les arbres, il faut investir de l’argent et du temps. Il faut vivre avec certains risques pour la sécurité des structures. Et parfois, il faut composer avec des aspects désagréables. J’aimerais ici faire un canevas des choses un peu moins « glamour » de notre cohabitation avec certains spécimens ; mais pardonnez-moi si je ne résiste pas à la tentation de donner quelques solutions.

L’argent

C’est plate à dire, mais un arbre peut coûter cher, et ce n’est pas toujours sous notre contrôle et pas non plus de notre faute à tout coup. Prenez l’exemple d’un frêne mature sur une propriété. Celui-ci fait toute la joie de la famille depuis des années, peut-être des décennies. L’arbre a été élagué régulièrement, pour des coûts raisonnables, mais pas gratuitement quand même. On annonce l’arrivée de l’agrile du frêne, alors vous faites le traitement recommandé, encore des frais. Or, vous êtes parmi les malchanceux pour qui le traitement n’est pas efficace : l’agrile est trop bien installé dans votre arbre, alors il dépérit. Vous n’avez d’autre choix que de le faire abattre, et vous sortez, encore une fois, le portefeuille. C’est un scénario malheureux, mais il arrive fréquemment. Vivre avec les arbres, c’est vivre avec des frais.

 

Il faut donc prévoir un budget pour les imprévus. C’est comme avec une voiture usagée : les bris et les entretiens font partie de l’équation. Prévoir des coûts pour des élagages, des inspections, des traitements et possiblement des abattages. On doit être prêt à investir pour de la bonne terre, pour de l’aération du sol, pour un ajustement du ph, etc. Négliger la santé de l’arbre signifie que les maladies ne sont pas bien loin, et les coûts onéreux aussi. Solution : un budget pour les entretiens, et un budget au cas où.

Le temps

Un arbre mature demande du temps. D’abord, prendre rendez-vous avec un arboriste pour une estimation ; sans compter que vous allez peut-être prendre congé pour le faire ou prendre une de vos journées de vacances, c’est du temps ! Et ceci n’est que du temps que vous donnez pour quelque chose que vous n’allez probablement pas faire vous-mêmes. Il reste ensuite le temps que vous allez mettre vous-mêmes sur votre arbre ; par exemple, pour racler les feuilles. Ça peut paraître banal, mais il y a des gens qui sont prêts à abattre des arbres matures rien que pour ça ! Avec deux ou trois érables argentés, c’est vrai que ça en fait des feuilles. Mais il y a une solution que j’utilise moi-même et dont je suis bien satisfait. C’est de passer la tondeuse, sans le sac, partout sur la pelouse. On déchiquette les feuilles. Visuellement, elles dérangent moins et se décomposent plus vite. C’est faire d’une pierre deux coups, car il faut passer la tondeuse de toute façon.

Il y a aussi les feuilles et les semences dans la gouttière. On ne veut pas que celle-ci soit bouchée, on doit donc la nettoyer chaque automne. Cela peut représenter un certain désagrément, surtout pour ceux qui ne sont pas à l’aise à monter sur une toiture. Des solutions ? Il y en a, mais, parmi celles-ci, je crains que l’élagage ne soit pas une panacée. Certes, si une grande partie du port de l’arbre se trouve au-dessus de la toiture, un bon dégagement peut faire une différence, mais le résultat est limité. Disons qu’on réussit à diminuer de 20% la quantité de feuilles qui tombent dans la gouttière, concrètement, ça ne change rien au fait que vous deviez en faire l’entretien chaque automne. Ça devient tentant de dépasser le seuil des bonnes pratiques en demandant d’enlever plus de branches, ou pire, faire abattre ce damné arbre qui nous fait travailler. Tant qu’il y a des arbres près d’une maison, il y aura toujours des feuilles qui tomberont dans la gouttière. Mais il y a une solution qui peut sauver l’arbre.

Feuilles mortes dans une gouttière l'automne venu

Feuilles mortes dans une gouttière l’automne venu

Pour gérer ce désagrément, mieux vaut modifier la structure, comme c’est souvent le cas. Il existe des protecteurs qui agissent comme des tamis pour votre gouttière. L’eau peut y pénétrer, mais pas les feuilles et les autres débris. L’élagage ne règle que partiellement et temporairement le problème. Tandis qu’une garde pour votre gouttière vous protège contre les bouchons sur le long terme. C’est le choix intelligent.

Du temps doit aussi être investi pour assurer la santé de votre arbre. Aération du sol, ajout de compost, dégagement du collet racinaire, vérification du ph, etc. Certes, vous pouvez engager un professionnel pour ce travail, mais alors, on ne fait que transférer l’investissement dans la catégorie de l’argent au lieu du temps. Et la négligence n’est pas une option ! Laisser aller un arbre est une bombe à retardement. Un arbre avec des racines qui étouffent dans un sol compacté, avec un manque de nutriment ou dans un sol au ph inapproprié, développe des problèmes qui auront une incidence sur la sécurité. Augmentation du bois mort, mortalité accrue des grosses sections, pourriture, etc. Avec de tels problèmes, il faut traiter avec de l’élagage, ou pire, avec l’abattage si l’arbre a trop dépérit. En revanche, un arbre en santé présente moins de risques, demande moins d’entretien, et est plus beau à voir. Investir du temps, ou de l’argent, pour la santé d’un arbre, c’est comme se payer une assurance !

Vivre avec les désagréments

Les arbres en milieu urbain peuvent apporter certains inconforts. Cela dépend des essences, mais aussi de la situation et des préférences de chacun. Ces désagréments pourraient être amoindris en choisissant l’emplacement approprié. Mais il demeure plus réaliste de savoir, et d’accepter, que les arbres peuvent parfois étirer notre patience.

Les déchets

Même si nous en avons déjà dit quelques mots, il y a les feuilles. Au-delà du fait de devoir les ramasser, il faut être prêt à les voir apparaître à certains endroits. La piscine et son filtreur, le patio et la table à pique-nique… C’est moins amusant.

C’est pire avec les arbres fruitiers. Plouc ! Des pommes dans la piscine ? Non merci. Toc ! Une poire sur le pare-brise ? Mauvais endroit, mauvais choix d’arbre. L’élagage peut aider à contourner les structures que l’on veut protéger, mais l’idéal est de choisir un meilleur emplacement. Il faudra tout de même prévoir du temps pour ramasser les fruits. Question de préférence, certains seront tout feu tout flamme pour faire des compotes et des confitures, les fruits ne sont pas des déchets pour ces gens ! Mais, d’autres n’ont ni le temps ni l’intérêt, et doivent vivre avec.

L’arbre fruitier c’est une chose, mais certains arbres n’ont simplement pas leur place en ville. Pensons au peuplier deltoïde avec sa semence en mousse blanche. C’est désagréable, ça colle sur le linge accroché à la corde, ça s’incruste, ça se répand, ce n’est pas plaisant du tout. La mousse de peuplier peut même bloquer un refroidisseur d’automobile si celui-ci est trop exposé. C’est un arbre à éviter.

Des arbres qui font mal aux pieds ? Oui ça existe, et j’en ai été témoin. Le marronnier, avec ses fruits qui ressemblent à des porcs-épics, peut vous rendre la vie dure, surtout si vous aimez vous promener pieds nus sur votre terrain. Avec un spécimen mature, on peut se retrouver avec une bonne quantité de fruits. Il n’y a pas d’autre solution que de ramasser régulièrement. Une astuce : un ramasse noix … oui, oui, quelqu’un a pensé à inventer ce bidule!

Ramasse-noix - Outil de jardinage pour arbres à noix

Ramasse-noix – Outil de jardinage pour arbres à noix

Les envahisseurs

Parmi les désagréments, on peut ajouter les arbres envahissants et indestructibles. Je place dans cette catégorie l’érable à Giguère, qui est un exemple commun. Cette essence a son utilité, j’aimerais au moins le dire. Il pousse comme de la mauvaise herbe, c’est vrai, mais je crois qu’il peut servir pour stabiliser une bande riveraine, par exemple, ou pour couvrir rapidement les endroits qui manquent d’arbres. Ceci étant dit, celui qui se retrouve avec un érable à Giguère sur sa propriété, où même sur la propriété du voisin, risque d’être pris avec pour longtemps.

Premièrement, sa semence prend vite dans n’importe quelle terre, c’est une de ses caractéristiques principales, d’où la comparaison avec la mauvaise herbe. Quelques samares derrière le cabanon, et ça y est, on se retrouve avec une forêt d’érable à Giguère qui poussera contre la structure et la clôture. Et on le dit aussi indestructible, car une fois abattu, il peut facilement drageonner. On met une fin de semaine à abattre nos quelques arbres derrière le cabanon, pour voir des pousses apparaître de nouveau quelques semaines plus tard.

C’est frustrant ! Quelques conseils, qui ne dispensent pas d’un certain travail. Ceux qui voient des pousses à des endroits indésirables devraient d’abord bien les arracher avec les outils appropriés. Pour des petits à moyens abattages, il faudra couper le plus près du sol possible. Après l’abattage ou l’arrachage, on étend un géotextile sur la région colonisée, et on remblaie avec un paillis ou du gravier. Il faut que le recouvrement soit assez épais pour étouffer les pousses et les souches. Même après un essouchement professionnel, suite à un plus gros abattage, il serait conseillé de suivre la même procédure . On s’assure ainsi de ne pas avoir de revenants.

La faune

La faune sera mon dernier point. Ce n’est pas avec gaîté de cœur que je le mentionne, mais il me faut faire un effort d’empathie. Pour moi, le fait d’attirer la faune avec un arbre est un point positif, c’est une raison d’être de l’arbre en milieu urbain. N’empêche que parfois, ça peut être un désagrément.

Le tilleul, par exemple, est un arbre qui attire les populations fauniques, et cela est bon pour l’environnement, mais ce n’est pas toujours drôle pour le citadin. Écureuils, oiseaux, insectes pollinisateurs, c’est un arbre écolo ! Deux ou trois crottes de moineaux sur la voiture, ça peut passer, mais il y a des amoureux de l’automobile qui mettraient littéralement la hache dans un arbre pour moins que ça. Et il ne faut pas oublier le miellat, une sécrétion du puceron, un insecte qui aime bien habiter dans le tilleul. Quand ça coule sur la voiture, c’est comme verser du Pepsi. Vous mettez votre main sur la poignée et, beurk, c’est tout collant. Mieux vaut le planter loin du stationnement.

Les insectes, c’est pareil. Ils sont essentiels pour l’équilibre de la flore, mais ils peuvent être désagréables. On n’arrive pas à faire un BBQ dans sa cour, car tout ce qui vit dans notre arbre s’invite au repas. Un hamburger assaisonné à la guêpe et à la mouche ? Miam. Je ne sais pas si les chandelles à la citronnelle fonctionnent vraiment. Un gazébo peut alors être de mise, et il peut coûter moins cher qu’un abattage.

Dans le plus que désagréable, nuisible plutôt, comme dans le cas d’une infestation de fourmis charpentières, mieux vaut faire inspecter son arbre régulièrement pour un diagnostic rapide. Avec un arbre dépérissant, il est normal que les fourmis charpentières voient l’opportunité de s’installer. Il faut agir vite.

Changer d’attitude

Écureuils, oiseaux, insectes, quoi dire de plus? Ce n’est pas toujours évident de se mettre à la place de l’autre. Je n’aime pas plus que n’importe qui voir une guêpe atterrir dans ma salade de fruits. Ok, mais je n’ai jamais vu de désavantages à voir des oiseaux ou des écureuils dans ma cour, or il y en a pour qui ça fait bouillir le sang. Sans jugement, avec tout le respect, expulser totalement la faune de nos milieux urbains n’est pas possible, et n’est pas souhaitable pour l’environnement.

Comme solution, puis-je suggérer un changement d’attitude ? Pourquoi ne pas nourrir les oiseaux avec une mangeoire et observer les espèces avec nos enfants? Et les écureuils… depuis quand les écureuils sont nos ennemis ? Je ne veux pas être condescendant, mais il me semble que ces animaux n’ont jamais causé de dommages sur ma propriété, alors pourquoi vouloir les chasser ?

Installez une mangeoire et observez les oiseaux en famille

Installez une mangeoire et observez les oiseaux en famille

Avec un portrait plus réaliste, on peut savoir en quoi on s’engage quand on choisit de cohabiter avec un arbre. Être trop idéaliste peut amener à être déçu, si on s’imagine que les arbres ne feront que nous dorloter. Les avantages sont bien réels, mais il faut être prêt à sacrifier de l’argent, du temps et du confort. Avec un peu d’imagination, je crois que plusieurs des problèmes dont nous avons parlé peuvent être réglés. Vous êtes fatigués des pommes sur votre terrain ? Pourquoi ne pas inviter les voisins à les cueillir ? Soyons créatifs !

 

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Dominic Perugino

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