Le pin blanc

12 Avr 2021
Pinus strobus
Je me souviens encore des étés passés au chalet de ma grand-mère, où je passais des heures à recueillir les aiguilles brunes tombées au sol pour allumer nos feux de camp à l’aide d’une loupe. Ces feux improvisés étaient pour moi un véritable rituel d’enfant explorateur. Mais ce n’est pas tout : qui pourrait oublier la gomme collante de ces arbres, qui restait tenacement attachée à la peau malgré un bon bain? J’ai souvent expérimenté avec des solutions pour m’en débarrasser, de l’huile au beurre d’arachides en passant par la glace – un souvenir qui prête encore à sourire aujourd’hui.
Les troncs de pin blanc de mon enfance étaient comme des piliers naturels, majestueux et imposants, soutenant des arbres aux cimes irrégulières mais magnifiques. Ces géants ponctuaient la grande cour campagnarde, dont l’ombre bienveillante offrait fraîcheur et sérénité durant les journées chaudes d’été.
Quiconque a déjà pris le temps d’un bain de forêt au milieu de peuplements de pins blancs garde en mémoire une impression vive et durable. Avec sa hauteur imposante, son odeur caractéristique et son tapis d’aiguilles brunes qui recouvre le sol, le pin blanc impose son empreinte sur son environnement, transformant tout à son image.
Notre arbre de campagne
Très répandu dans le sud du Québec, le pin blanc est indigène et parfaitement adapté à notre climat. On le trouve principalement dans les régions situées sous une ligne imaginaire qui partirait du Saguenay jusqu’au Témiscamingue, où les conditions météorologiques lui permettent de prospérer.
En jeunesse, le pin blanc présente une forme pyramidale, commune aux arbres en pleine croissance. Mais une fois adulte, il développe une silhouette plus irrégulière et échevelée. Ses branches poussent horizontalement avec un angle légèrement incliné vers le ciel, atteignant souvent une longueur de trois mètres ou plus. Ces branches, bien qu’aléatoires dans leur disposition, confèrent à l’arbre un charme désorganisé mais indéniable.

Forêt de pins blancs au nord du Québec
Avec son tronc droit atteignant parfois un mètre de diamètre, l’arbre culmine généralement à 25-30 mètres, ce qui en fait le plus grand conifère de l’Amérique du Nord. Son écorce, lisse et brun-verdâtre dans sa jeunesse, devient presque noire et écailleuse avec l’âge.
Le feuillage est composé de petits rassemblements de cinq aiguilles souples et fines. En été, elles sont bleu-vert ; elles changent légèrement de couleur en hiver pour devenir plus vertes. Elles resteront sur l’arbre pendant environ cinq ans avant de tomber sur le sol. Quelle joie d’en faire des tas comme combustible d’allumage pour un beau feu de camp !

Longues aiguilles souples et fines du pin blanc
Les fruits et la faune
Les fruits sont des cônes, dont le terme cocotte ne semble pas vouloir s’extirper de mon parler québécois, mesurant de 8 à 20 cm. Les enfants semblent aimer les collectionner, comme des coquillages, à cette différence près que les cocottes leur laisseront les mains noires et complètement gommées.
Un arbre mature produira des cocottes dans un cycle de plus ou moins 5 ans, lesquelles sont remplies de graines. Arbre d’ici, ses fruits nourrissent les animaux du Québec, comme les écureuils roux et les pic-bois.
Conditions optimales
Le sol peut être sec ou humide, mais il deviendra inévitablement acide par la présence du pin. L’entretien d’une pelouse fournie devient impossible. Pourquoi ne pas opter pour un paysagement alternatif comestible, comme des bleuets par exemple ?
Le pin blanc ne tolère pas très bien les conditions urbaines, il préfère la forêt, la campagne et parfois même la banlieue, afin d’être assez loin des perturbations. La pollution, le compactage du sol et le sel de déglaçage peuvent l’endommager. Il préfère le plein soleil, mais peut s’adapter à un peu d’ombre. Pour ce qui est du compactage, une aération du sol annuelle au printemps peut remédier à cette problématique, de même qu’un bon mulch tout autour de l’arbre dans les premiers mètres de diamètre. Il n’y a pas ici de mesure exacte, plus le paillis est répandu largement, plus la terre sera colonisable par les racines. Établissez vos limites en fonction de vos goûts esthétiques.
En tant que conifère, l’enracinement est superficiel, on ne connaît que d’infimes cas de dommages aux structures par cet arbre. Or, rappelons qu’une distance de trois mètres est recommandée entre tout arbre et les fondations. Cette distance sera bonne pour assurer aussi l’harmonie entre les branches de l’arbre et la toiture de la maison ou toute autre structure. Avec des branches généralement longues de trois mètres, si aucune structure ne se trouve plus près de l’arbre que ce seuil, les besoins en élagage seront amoindris.
Le pin blanc est un arbre à racine pivotante, c’est-à-dire que son système racinaire commence par se faire un ancrage vers le bas, ce qui lui donne une meilleure stabilité. En revanche, considérez les servitudes d’eau et canalisations avant de le planter, car, si les racines de la majorité des arbres n’atteignent que rarement ces structures, la racine pivotante peut s’avérer problématique. Évitez donc de planter un pin juste au-dessus d’un tuyau. Le pin blanc est-il un bon arbre de ville? Cela dépend. Comme nous le disions plus haut, planté près d’une rue passante, ça laisse à désirer. Près de toute la pollution, comme à proximité d’une autoroute, ce n’est pas une bonne idée. Mais, toutes situations en ville ne sont pas les mêmes. En arrière-cour, loin des polluants, ça reste un projet réaliste.
Élagage et entretien du pin blanc
L’élagage d’un pin n’est pas très compliqué. S’il est planté en plein soleil, il aura des branches jusqu’au bas de la couronne. Couper les branches dans le bas de la couronne aura pour effet de gagner de l’espace et d’éclaircir la vue. Les branches ne repousseront pas puisqu’aucune source de soleil ne le permettra. Pour ce qui est d’harmoniser l’arbre avec son environnement et avec les structures, il a deux manières de le faire. On peut, par exemple, dégager une toiture en coupant la pointe d’une branche, ce qui est assez facile étant donné la forme de l’arbre et l’axe horizontal des branches. Or, il faut s’assurer qu’il reste assez d’épines sur la branche pour qu’elle survive, autrement, on tue la branche. L’autre option est de couper entièrement les branches qui nuisent, mais ceci demande d’évaluer l’aspect esthétique : l’interruption du port naturel de l’arbre par de gros trous n’est pas ce qu’il y a de plus beau, mais, dans certaines situations, c’est la coupe la plus sécuritaire.
En plein soleil, il n’est pas impossible de voir un jeune arbre développer des défauts, notamment des têtes codominantes. Une taille de formation précoce permet d’éradiquer le problème, sans causer de traumatisme à l’arbre, alors qu’une intervention tardive demande l’élagage de grosses sections. Il est parfois mieux de s’abstenir d’effectuer une telle opération et opter plutôt pour un haubanage.
Utilisations
Il s’agit d’un arbre parfait pour créer un mur, vert en été comme en hiver. Il pourra bloquer le vent, le son, de même que les regards indiscrets. Avec sa hauteur, il fait aussi un excellent parasol contre les îlots de chaleur.
N’allons pas jusqu’à en faire une haie, cependant, il ne s’agit pas ici d’un thuya. Le pin blanc tolérerait mal les tailles régulières. Certains recommandent de densifier la masse foliaire de l’arbre en élaguant les pousses annuelles, mais il semble un peu contre-productif, pour ne pas dire irréaliste, de faire le tour d’un pin blanc de 30 mètres juste pour avoir plus de masse foliaire…
Le bois d’œuvre de pin blanc est très utilisé en construction pour ses nombreuses qualités. Sèche ou humide, le volume du bois de pin blanc reste stable, ce qui est apprécié pour la confection de moules et patrons. Il est aussi en premier de file pour le reboisement après des coupes forestières.
Maladies
On compte peu de maladies. Comme beaucoup de conifères, on compte la rouille vésiculeuse parmi les principales. On observe aussi une légère sensibilité à l’insecte du charançon du pin.
Les branches du bas de la couronne ont aussi des risques de développer la brûlure des pousses lorsqu’elles sont ensevelies de neige. Une bonne mesure préventive est l’élagage.
Contrairement à plusieurs essences, les feux de forêts ne sont pas des ravageurs pour le pin blanc. Les semences, en effet, profitent de l’état des sols suite à un incendie. Débarrassé des essences compétitrices, le territoire brûlé devient propice à sa survie et sa propagation.
Bibliographie
- https://www.notrenature.be/article/pommes-de-pin-distinguer-les-traces-des-ecureuils-des-pics-et-des-becs-croises (consulté le 29 février 2024).
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