Les bienfaits des arbres, des données méconnues

16 Avr 2024

Les arbres et les Hommes

On ne cesse d’insister sur les bienfaits des arbres. Les arbres sont beaux et augmentent la valeur d’une propriété; ils combattent la pollution; ils limitent l’érosion du sol contre les ruissellements; et bien d’autres. Mais saviez-vous que les arbres comportent des bienfaits directement sur l’être humain?

Voici un classique, c’est une des découvertes qui a le plus influencé l’intérêt pour les effets bénéfiques des espaces verts, certains la reconnaîtront. Un médecin du nom de RS Ulrich, entre 1972 et 1981, avait conduit une recherche bien curieuse sur ses patients de chirurgie; il a comparé 23 patients en rémission dans une chambre avec une fenêtre qui donnait sur de la verdure avec 23 patients en rémission dans une chambre avec une fenêtre qui donnait sur de la brique. Sa découverte fut celle-ci : les patients dans la chambre avec une vue sur la verdure ont connu un rétablissement plus rapide et ont eu besoin de moins d’analgésiques pour traiter leur douleur (Ulrich R. 224-5).

Ainsi, le simple fait qu’un arbre soit là, ici, devant vous, est suffisant pour améliorer votre santé. Plus précisément, si vous prenez le temps de regarder votre arbre; si vous prenez le temps d’écouter le son du vent dans sa cime et le chant des oiseaux. Des bénéfices sont alors observables, non pas simplement psychologiques, mais sur la santé de manière générale. Par exemple, la communauté scientifique a découvert que les promenades en forêt ont un effet curatif par le biais du réseau psycho-neuro-immuno-endocrinien (Li, p.142). Ainsi, les effets négatifs du mode de vie urbain sur notre santé peuvent être traités par l’exposition à la nature. Il existe des études sur les bienfaits des arbres qu’on n’oserait même pas imaginer ! Les effets des bains de forêt sur la santé, le potentiel des arbres à réduire la mortalité en temps de canicule, la motivation à faire de l’activité physique, la capacité des parcs à rassembler les gens et à aider la sociabilisation, et j’en passe. J’aimerais vous en présenter quelques-uns ici. Commençons par le bain de forêt.

Le bain de forêt

Voici en quoi consiste un bain de forêt. On fait une excursion dans une forêt, dans le but de se détendre. On se choisit un endroit confortable où s’installer, et on se laisse imprégner par la vie de la forêt. On regarde les couleurs, on observe les oiseaux et on écoute leurs chants. On prend le temps de sentir les odeurs rafraîchissantes des arbres, on passe les doigts dans les feuilles, et on se détend. Aussi banale qu’une telle pratique puisse sembler, des études en ont révélé des bienfaits bien réels pour la santé.

Pour comprendre comment l’exposition à la nature peut être bénéfique, non pas seulement pour l’esprit, mais sur le corps humain concrètement, il convient de commencer notre analyse par une dichotomie entre deux modes du système nerveux chez l’être humain : le système sympathique et le parasympathique. Ce dernier est axé sur le repos et la régénération; c’est lui qui gère ce qui échappe au contrôle humain, comme les glandes, les vaisseaux sanguins, les organes, etc. De l’autre côté, celui que l’on pourrait appeler son contraire, est le système sympathique. Il est responsable pour notre état d’éveil, jusqu’à notre état de stress lors d’une urgence ou d’une situation où notre plus haute performance est exigée. Ce qui nuit à notre santé, c’est le surmenage du système sympathique, et ce n’est que trop courant dans notre culture hyper stressée.

Prenez cet exemple : vous marchez en ville, un peu dernière minute pour vous rendre au travail. Vous en profitez pour lire vos courriels sur votre téléphone cellulaire, pour gagner un peu de temps, et réalisez alors que vous avez oublié une tâche importante qui va sûrement nécessiter du temps supplémentaire. Ah! Il faudra aussi prévoir du gardiennage pour votre enfant. Préoccupé, les yeux rivés sur votre écran miniature, vous ne voyez pas devant vous la lumière rouge, et vous traversez. Un véhicule s’arrête brusquement et klaxonne, le chauffeur vous lance un regard perplexe. Votre rythme cardiaque augmente d’un seul coup; vous avez honte, vous êtes en colère. Une fois arrivé au travail, vous n’êtes pas très souriant, et pas très productif.

Tout ceci ne fait pas qu’affecter l’humeur, c’est le corps qui écope et qui encaisse. Le système hormonal n’a d’autre choix que de produire de l’adrénaline pour permettre au corps et à l’esprit de faire face à toute cette cohue. En effet, les fonctions du système sympathique sont nécessaires et bénéfiques lorsque l’être humain doit composer avec une agression extérieure, car, sans elles, on pourrait ne pas réagir adéquatement face à un danger. Or, elles deviennent nuisibles pour la santé lorsque le corps n’en est pas purgé par suffisamment de repos. On voit une hausse des émotions négatives comme la colère, une augmentation de l’anxiété, de la fatigue, et de la confusion, sans oublier l’augmentation de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle, le ralentissement des intestins, la vasoconstriction, des sueurs, ainsi que la production des trois hormones de stress : le cortisol, l’adrénaline et la noradrénaline.

Nous faisons tous face à ce genre de situation, à des degrés variables. Il s’agit d’un exemple typique d’une personne au système sympathique surmené. En revanche, il semblerait que le bain de forêt ait la même aptitude à solliciter le système parasympathique. En effet, le spectacle paisible de la forêt fait diminuer l’apport des hormones de stress, et aide le corps à se détendre. Tout comme le bruit du klaxon engendre une réaction d’éveil et de stress, le bain de forêt, avec les sons des ruisseaux, du vent dans les feuilles et du chant des oiseaux, envoie le signal au système parasympathique de s’activer. C’est alors qu’on relève des symptômes opposés à la promenade stressante en ville : diminution du stress, baisse du rythme cardiaque et de la tension artérielle, diminution de la confusion et des émotions négatives, et, pour certains, une diminution des troubles associés au déficit de l’attention. Tout ceci s’expérimente directement dans l’humeur, mais il y a aussi des effets cachés. Les tests ont permis de détecter une augmentation de l’activité des cellules tueuses, c’est-à-dire celles qui sont anticancérigènes, ainsi qu’une augmentation des protéines anticancéreuses. On note également une baisse de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque, ainsi que la diminution des hormones du cortisol, de l’adrénaline et de la noradrénaline, qui ensemble sont, comme nous le disions, liées aux situations stressantes abondantes en milieux urbains.

 

Les parcs

Nous n’avons pas toujours une forêt à notre disposition pour pouvoir y prendre un « bain », mais ce n’est pas grave. Des espaces verts bien aménagés comportent aussi des bienfaits. À titre d’exemple, des statistiques démontrent que les gens qui habitent près des espaces verts répondent plus positivement à des sondages sur la santé et le bien-être. Les parcs sont des milieux de relaxation qui permettent aux personnes en état de stress de retrouver des états émotionnels positifs. Les témoignages montrent également une conscience partagée que les espaces verts aident à retrouver la sérénité. En effet, les enquêtes relèvent que les milieux avec des accès verts résultent en un plus faible taux d’anxiété, de dépression et de stress (Bolon, p.176).

Les espaces verts, comme les parcs, contribuent aussi aux liens sociaux, et ce, de différentes manières pour différents groupes sociaux. Ceux-ci témoignent d’un décloisonnement et d’une baisse du sentiment d’isolement lorsqu’ils ont accès à un parc. La possibilité de socialiser, tout en profitant de la beauté de la nature, est un aspect qui serait cher aux gens du bel âge (Ibid., p.178). Aussi, fait étonnant, les espaces verts favoriseraient d’une façon particulière le bien-être des femmes ! Les études démontrent que les femmes se sentent plus en sécurité de faire de l’activité physique dans les espaces verts que dans les rues. De même, les adolescents trouvent dans les lieux sauvages l’opportunité de relever des défis et de repousser leurs limites (Ibid., p.178).

Les îlots de fraîcheur

En temps de canicule, les effets ressentis de ces géants verts sont palpables. Les arbres, en quantité suffisante et dans un état sanitaire adéquat, peuvent créer des îlots de fraîcheur (Pascal, p.197). Selon la densité des arbres, la canopée d’une forêt urbaine peut protéger le sol contre plus de 70% des rayons solaires, ce qui rafraîchit considérablement le milieu.
Et l’effet de rafraîchissement n’est pas qu’un petit plus pour se donner un peu de confort. Il en va de la santé publique. Une étude a été faite dans la ville de Toronto pour voir si les îlots de fraîcheur ont un impact réel sur la santé des gens. On a donc comparé, en temps de canicule, les appels aux services d’urgence en fonction des milieux bénéficiant des avantages des espaces verts, contre ceux qui n’en avaient qu’un accès restreint. En ressort un comparatif marquant : les appels aux premiers répondants étaient cinq à quinze fois plus élevés dans le milieu à faible canopée. Les études ont démontré qu’un espace passant de 5% de couverture verte à seulement 10% pouvait faire toute la différence pour diminuer les urgences pour la santé (Sanchez, p.200) .

Les arbres et la pollution

Le rôle des arbres pour l’élimination de la pollution est souvent relevé, mais les études montrent que les aménagements doivent être faits intelligemment pour que celui-ci soit réellement positif. On pense, avec raison, que les arbres absorbent les particules polluantes, comme le dioxyde de carbone et le dioxyde de souffre, par les stomates des feuilles, mais on a tort de penser que c’est le seul mécanisme influent sur la pollution. Cela peut surprendre, mais les arbres, s’ils ne sont pas les bons et aux bons endroits, peuvent avoir l’effet inverse.

Et oui ! C’est contre-intuitif, mais c’est réel : les arbres peuvent jouer un rôle négatif dans la gestion des polluants, tout dépend de l’organisation. Par exemple, prenons un boulevard urbain assez passant. Des arbres matures y sont plantés de chaque côté, ce qui aide à prévenir les îlots de chaleur, réduit légèrement le bruit, et donne aux résidents la possibilité de voir autre chose que de l’asphalte et des automobiles. Or, les arbres sont en forme de parasols (comme le févier) et donnent l’effet d’une sorte de tunnel végétal. C’est visuellement magnifique, mais cela comporte un désavantage : la pollution créée par les voitures est alors emprisonnée, l’air circulant difficilement (Nowak p.156). Ici, les résidents du boulevard ont le désavantage d’une sorte de couloir de pollution. Un simple choix d’un autre arbre avec un port moins évasé permettrait à la pollution de circuler vers le haut pour être ensuite évacuée par le vent. Pour ajouter, on pourrait créer des haies d’environ trois mètres de haut le long des bâtiments, question d’absorber la pollution sonore et les particules jetées latéralement par les véhicules. Les arbres éliminent la pollution, mais cela ne signifie pas que nous soyons dispensés de trouver les bons pour les bons endroits.

Les arbres éliminent la pollution, mais ce mécanisme sera différencié selon la taille de l’arbre. Selon les études, « les arbres sains de grande taille [c’est-à-dire avec un diamètre à hauteur de poitrine d’au moins 76 cm,] éliminent de 60 à 70 fois plus de pollution atmosphérique » (Ibid.) que les petits arbres sains avec un diamètre de plus de 8 cm. D’où l’importance d’entretenir les arbres et d’assurer leur arrivée et leur maintien à maturité.

En poussant plus loin la recherche, on s’aperçoit que les arbres sont plus forts lorsqu’ils sont nombreux. Dans une ville, les arbres d’ornement seraient responsables pour une réduction de moins de 1% de l’élimination de la pollution. Décevant ? Certes, si on tient à demeurer purement individualiste. En revanche, les zones avec un couvert végétal composé entièrement avec des arbres peuvent éliminer la pollution à plus de 16% (Ibid., p159). Puis, les arbres peuvent être regroupés pour former une barrière entre un lieu et les polluants.

Mon arbre et l’arboriculture

On sait maintenant qu’un bain de forêt est bénéfique pour la santé mentale et physique. On sait aussi que les arbres en quantité suffisante dans les villes ont de nombreux avantages pour la socialisation autant que pour la régulation de la température. Je me demande donc quel est l’effet de mon arbre et des entretiens que ma compagnie arboricole lui fait ? Aller en forêt, voir les arbres, sentir les conifères, entendre les oiseaux et les ruisseaux, il est évident que c’est bénéfique, la science le démontre. Mais mon arbre en façade, et mon arbre en cour arrière que j’hésite à faire abattre pour avoir plus de lumière dans ma piscine, ont-ils un rôle à jouer ? Les règles de l’art en arboriculture ont-elles un impact sur les bénéfices des arbres pour la société ?

 

Il semble qu’il faille répondre par l’affirmative. Certes, mon arbre sur ma propriété ne peut pas remplacer les bénéfices d’un bain de forêt. Or, surtout par effet cumulatif, lorsque les citoyens sont solidaires et font ce qu’ils peuvent pour contribuer à une forêt urbaine mature et en santé, comment même penser que cela ne fait aucune différence ? Un bain de forêt de quelques heures permet de réduire le stress et les émotions négatives, active le système parasympathique et réduit la production d’hormones du stress; alors pourquoi ne pas tout faire pour bénéficier, autant que possible, des effets du bain de forêt, mais en ville ? Si, sur ma rue, chaque maison est ornée d’au moins deux arbres matures et bien entretenus, n’ai-je pas un tant soit peu les effets de réduction du stress d’un bain de forêt ? Gageons que le fait d’avoir des arbres chez soi, et chez ses voisins, améliorent la qualité de vie.

Sources

Bolon, Isabelle et al., « Espaces verts et forêts en ville : bénéfices et risques pour la santé humaine selon l’approche « Une seule santé » (One Health) », Sante Publique 1, no HS1 (mai 27, 2019), p. 173‑186.
Li, Qing, « Effets des forêts et des bains de forêt (shinrin-yoku) sur la santé humaine : une revue de la littérature », Sante Publique 1, no HS1 (mai 27, 2019), p. 135‑143.
Nowak, David J., et Matilda Van den Bosch, « Les effets des arbres et de la forêt sur la qualité de l’air et la santé humaine dans et autour des zones urbaines », Sante Publique 1, no HS1 (mai 27, 2019), p. 153‑161
Pascal, Mathilde, Karine Laaidi, et Pascal Beaudeau, « Intérêt des espaces verts et ombragés dans la prévention des impacts sanitaires de la chaleur et de la pollution de l’air en zones urbaines », Sante Publique 1, no HS1 (mai 27, 2019), p. 197‑205.
Sanchez-Badini, Olivia, et John L. Innes, « La forêt et les arbres : une perspective de santé publique », Sante Publique 1, noHS1 (mai 27, 2019), p. 241‑248.
Ulrich, Roger S., « View through a Window May Influence Recovery from Surgery », Science 224, p. 420.