Les racines, compétition ou complémentarité?

Les racines competition ou complementarité
24 Avr 2017

Complexité du monde des racines

Les racines des arbres et des végétaux en général recèlent un univers complexe et obscur. Il n’est pas rare de vouloir investiguer le rôle des racines dans certains phénomènes, sans réussir à obtenir des réponses claires. Cela peut certes être dû à l’ignorance, mais il est aussi question de l’extrême complexité du monde des racines. Nous voulons dans cet article rendre compte de cette complexité et parvenir à une compréhension plus globale de ses interactions. Il peut être difficile voir parfois impossible de prévoir les réactions des organismes vivants à certaines contraintes. Par exemple, chaque être humain réagit différemment à certaines substances et certaines situations. Il en va de même pour les racines. Nous verrons qu’il n’est pas aisé de prévoir la réaction réseau racinaire d’un arbre, et nous pourrons, en toute bonne conscience, choisir de faire confiance en ce que la nature a été bien conçue pour gérer d’elle-même la plupart des contraintes imposées.

Lorsqu’un gazon commence à jaunir près d’un arbre majestueux, le soupçon est souvent généré envers les racines de ce dernier. Mon érable argenté boit-il toute l’eau de mon gazon? Cela est possible, mais il se peut également que l’arbre partage ses sucres photosynthétisés avec le gazon et les différents végétaux qui l’entourent grâce au mycélium mycorhizien. En effet, bien que le sol puisse en certains cas être un lieu où s’affrontent les végétaux pour obtenir l’eau et les nutriments, il faut comprendre qu’il peut aussi être un domaine de coopération, de connexion et de synergie. Or, il n’est pas évident, étant donné nos capacités d’investigations, de prévoir quel type d’interaction aura lieu.

Parmi les interactions positives possibles, on peut compter sur une exploration complémentaire du sol, une connexion entre les racines, ainsi qu’un enrichissement et une préservation des sols. En ce qui concerne les interactions négatives, il peut y avoir lieu de compétions pour l’eau, les minéraux et pour l’espace, de même que des interactions négatives par le biais de composés biochimiques. Ainsi, la présence de plusieurs végétaux dans un endroit peut donner lieu autant à de la compétition qu’à de l’entraide. Il se peut même que parfois un sol passe d’un stade de compétition à un stade d’entraide par la suite.

Compétition

L’aspect compétitif et négatif des interactions entre les racines se trouve surtout en début de vie et au moment de la plantation. En effet, le développement des racines et la colonisation du sol peuvent prendre la forme d’une véritable guerre de territoire (Drénou p.103). Pour les trois à cinq premières années, le bébé arbre aura à faire sa place au milieu des racines déjà installées par les végétaux plus matures. Les plus rapides auront donc l’avantage et ne partageront pas leurs ressources avec les espèces étrangères, et même avec les espèces de familles communes. Considérant que la mycorhize peut prendre un certain temps à se former, il faut en conclure que les premières années de l’arbre ne sont pas un temps pour le partage.

L’intuition aurait voulu que les arbres de même espèce s’entraident naturellement. Mais la réalité est que la compétition peut en devenir d’autant plus féroce que les nutriments recherchés et l’espace à occuper son exactement les mêmes. Même les végétaux recommandés pour enrichir le sol peuvent avoir un aspect nuisible pour les jeunes arbres. Par exemple, certains végétaux de couvrement comme le trèfle feront une grande compétition pour l’obtention de l’eau, alors que d’autres espèces peuvent bloquer l’influence de végétaux nuisibles. Ceci vient compliquer la donne, car le trèfle est souvent utilisé pour fixer l’azote dans le sol et ainsi aider les végétaux environnants, mais ici on s’aperçoit qu’en monoculture et en quantité élevée, les racines du trèfle peuvent faire compétition à votre arbre nouvellement planté. En sens contraire, la fougère est bénéfique pour les jeunes arbres en pleine colonisation du sol parce qu’elles limitent l’espace occupé par les autres herbes couvreuses. Ceci ne fait que nous rappeler que le secret d’un bon jardinage est l’imitation de la nature par la biodiversité et la polyarboriculture.

Complémentarité

Du côté positif, il peut arriver que s’installe une complémentarité en fonction du niveau de peuplement des racines. Des essences dont les racines peuplent la surface du sol s’accommodent très bien aux essences qui peuplent le sol plus en profondeur. En effet, la présence de végétaux de surface peut même aider les racines profondes d’un arbre à aller plus profondément encore.

La présence de plusieurs arbres d’une même essence peut permettre aux racines de se joindre et de former une sorte d’unité solidaire en réseau. C’est le cas par exemple des érables, des chênes et des hêtres. Ainsi, un ensemble formé d’un érable argenté, d’un érable rouge et d’un érable à sucre, placé à proximité les uns des autres, pourra s’entraider par les racines. Une fois que la symbiose est faite, les arbres partagent entre eux les processus d’alimentation et de stockage des réserves. Ce phénomène produit une véritable résilience en cas de sécheresses aux autres contraintes (Drénou p.100). Par contre, cette situation peut aussi accélérer la propagation de certaines maladies qui se transmettent par les racines (Drénous p.101).

Le partage des ressources entre arbres d’espèces différentes pourra se faire en présence de mycorhizes, mais ce sont les mycorhizes qui feront la symbiose et qui géreront les nutriments à échanger. Dans ce cas, les espèces qui poussent à l’ombre pourront profiter de sucres photosynthétisés des arbres qui ont accès à la lumière, tandis qu’eux-mêmes survivent dans des conditions d’absence quasi totale de lumière.

Certains ont cru bon de calculer la distance entre les arbres pour voir si l’on pourrait ainsi contrôler l’interaction en faveur des échanges bénéfiques. Toutefois, la distance n’est pas forcément l’élément déterminant. Bien avant que les houppiers n’entrent en contact, les racines sont en concurrence, et ce, tant qu’ils sont d’une distance inférieure ou égale à la hauteur de l’arbre. Deux arbres à une distance de cinq mètres ne sont donc pas plus en compétition que deux arbres à une distance de dix mètres si la hauteur des arbres est justement de dix mètres.

Conclusion

Ainsi, la question du vivre ensemble des racines n’est pas simple. Couper un arbre par crainte de compétition des racines est une simplification qui ne prend pas en compte la complexité des relations entre les racines. Autant elles peuvent se souder et s’entre-aider, autant elles peuvent se nuire. Mieux vaut faire confiance à la nature dans ce qu’elle sait faire. Compétition et symbiose sont deux éléments fondamentaux en écologie, et bien souvent, notre erreur de trop vouloir contrôler. On peut planter divers végétaux sur notre propriété en ayant confiance que la rencontre se fera pour le meilleur, au profit de l’un ou de l’autre de vos arbres, ou de tous si vous êtes chanceux. La voie à suivre demeure celle de l‘aide et de l’imitation de la nature et non du contrôle absolu.

Référence :
Drénou, Christophe, Les racines : face cachée des arbres, Forêt privée française, 2006.

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Dominic Perugino

Comments

  1. […] Cette aide que l’on prodigue traditionnellement aux jeunes arbres fraîchement plantés est relativement simple. Pourtant, il y a quelques règles de base qui empêcheront cette étape de causer des dommages, des malformations, ou même d’entraîner la mort prématurée de l’arbre. Le but du tuteurage est de compenser l’absence d’ancrage. Un bébé arbre de quelques centimètres n’a pas besoin d’un tuteur puisqu’il s’ancrera à mesure du développement de son système racinaire. Cependant, un arbre de plus d’un mètre acheté en pépinière n’a pour système racinaire qu’une motte contrôlée en vue de la plantation. C’est dans cette situation que le tuteurage devient pertinent, de sorte à stabiliser artificiellement l’arbre, le temps qu’il produise lui-même cet ancrage par le développement de ses racines. […]

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