Le cerisier noir
06 Mai 2024
Prunus serotina
Les pruniers décoratifs au Québec sont généralement des petits arbres, aux feuilles mauves avec des cerises peu intéressantes pour leur goût. En fait, c’est le prunus de Schubert, et il est surreprésenté. Certes, avec sa belle couleur et ses dimensions raisonnables, il s’est mérité la place qu’il a obtenue dans notre paysage urbain. Mais, comme tout bon propriétaire d’un prunus de Schubert le sait, tôt ou tard, cet arbre attrapera la maladie fongique du nodulier noir. L’arbre se trouve alors envahi de grosses crottes noires peu esthétiques qui le font dépérir. Malheureusement, une fois la maladie bien installée, elle est très difficile à enlever, même avec toute la minutie et toutes les précautions. Il est aussi déconcertant de voir que bien des pépinières ont continué à distribuer cette essence, même lorsque la maladie était déjà fort répandue.
Or, nous ne voulons pas perdre l’essence du cerisier dans notre forêt urbaine, c’est pourquoi nous vous suggérons une espèce plus résistante à la maladie, quoi qu’à déploiement beaucoup plus gros. Contrairement au prunus de Schubert, le cerisier tardif n’est pas une variété horticole, mais un arbre naturel, rustique et indigène du sud du Québec. Il se trouve en fait que le cerisier tardif est le plus gros cerisier du Canada. Son aire de répartition s’étend de la Nouvelle-Écosse et passe par le sud du Québec jusqu’au sud de l’Ontario. Aux États-Unis, on le retrouve qui s’étend de la Floride au Texas. On en retrouve aussi des peuplements épars au Mexique et au Guatemala. Il a aussi été introduit en Europe pour y exporter l’exploitation de son bois, mais l’espèce s’y avère aujourd’hui envahissante et des mesures sont prises pour freiner son développement.
En jeunesse, il a une forme pyramidale et des rameaux bien droits, alors que, mature, il aura une allure échevelée, avec une forme arrondie et des branches paresseuses qui retombent vers le bas. En se développant, le cerisier tardif laisse tomber naturellement le bas de sa couronne, donnant une forme majestueuse d’un tronc massif, plutôt courbé, soutenant une charpente bien haute. Son écorce, lisse en jeunesse, devient rugueuse avec l’âge et se sépare en de petites écailles répandues comme en quadrillé sur tout le tronc. Des petites lignes horizontales sont répandues un peu partout, qui ont pour fonction de permettre une respiration pour l’arbre.
Une fois adulte, un cerisier noir peut mesurer de 20 à 25 mètres, pour une largeur de cime d’environ 10 mètres, mais il prend son temps pour y arriver, avec une vitesse de croissance moyenne. Il est aussi odorant, surtout lors d’un élagage, lorsque les branches sont déchiquetées, on dirait que quelqu’un prépare un punch aux cerises. Autrement, les feuilles peuvent être frottées dans les mains pour découvrir son odeur fruitée. Ces dernières mesurent de cinq à quinze centimètres de longueur, elles sont luisantes, d’une couleur vert foncé en été, avec un dessous plus pâle, et elles deviennent jaune orangé ou même rouge en automne. Leur forme est étroite et pointue, en forme de lance, et le contour est denté. Rigides et difficiles à déchirer, elles sont légèrement pliées vers l’extérieur le long de la nervure centrale.
Les fruits et la faune
Toute la magie du cerisier réside en ceci : il est un havre invitant pour la faune. Tous les animaux et insectes, ou presque, s’y intéressent. On comptera en particulier la présence d’oiseaux qui aiment déguster les cerises. Saviez-vous que les oiseaux consomment plus de fruits en été et plus d’insectes à l’automne? Ce faisant, lorsque vous les attirez, ils contrôlent la population d’insectes ravageurs pour votre potager.
Ses fleurs sont des longues grappes blanches de 10 à 15 cm. Elles sont légèrement parfumées et sortent au printemps, en même temps que les feuilles. Elles pourront attirer les pollinisateurs qui seront au bénéfice de toute la flore urbaine. En fait, certains apiculteurs visent le cerisier tardif pour son arôme de miel spécifique. En fin d’été, elles forment des grappes de 6 à 12 cerises de 8 mm, dont la récolte sera abondante dans un cycle de trois à quatre ans. Celles-ci sont comestibles, mais un peu surettes. Leur couleur est d’un rouge foncé, presque noir, d’où son surnom de « cerisier noir ».
Comme beaucoup de fruits surets ou amers, on compense en cuisinant. Les cerises du cerisier tardif se prêtent aux confitures et à la crème glacée, mais aussi au rhum, au vin et au brandy. Les graines sont utilisées pour la production d’huile qui sert à la fabrication de savon et de peinture.
Conditions optimales
Le cerisier tardif aime le plein soleil. À maturité, ça ne devrait pas être un problème puisque l’arbre atteint une hauteur qui ne se laisse pas imposer d’ombre par les autres. Pour la plantation, trouvez-lui un lieu bien lumineux, quitte à élaguer les arbres environnants. On lui pourvoit un sol décompacté, ce qui peut se faire avec une machine à percer ou une binette. La pollution et le sel de déglaçage ne l’intimident pas trop. Une distance d’environ quatre à cinq mètres de la maison devrait suffire pour un épanouissement harmonieux avec votre maison et votre fondation. Le maintien d’un sol humide peut éviter que les racines ne poussent trop en profondeur et n’endommagent des canalisations ou des fondations superficielles.
Élagage et entretien
Le cerisier tardif a un bois très solide, ce qui peut vous rassurer quant à la sécurité de vos structures. L’idéal est de planter l’arbre à une distance d’environ quatre à cinq mètres des structures, ajoutez un bon trois mètres s’il s’agit de fils de moyenne tension d’Hydro-Québec. Il est assez rare en milieu urbain d’avoir tout cet espace à accorder à un arbre, on en convient. C’est pourquoi les élagueurs existent. Pourtant, même à maturité, le cerisier est plus haut que large. Avec une vitesse de croissance moyenne, quelques élagages parcimonieux devraient suffire. Même avec une distance de seulement trois mètres avec la maison ou autres structures, quelques élagages stratégiques pourront rediriger le développement de l’arbre. Une fois l’arbre mature, sa cime est assez haute pour que les branches ne nuisent plus à la majorité des structures.
Utilisations
Bien entendu, il est utilisé pour ses fruits et comme arbre mellifère. Mais, en plus, le cerisier tardif est prisé par les ébénistes pour son bois solide et coloré de teintes de rouge et brun orangé. Les rayons et cernes de croissance sont aussi visibles et donnent au bois un aspect décoratif. On va même jusqu’à récupérer le bois des racines ligneuses pour fabriquer des figurines et des pipes.
Dans un autre registre, avec le BBQ au bois qui revient à la mode, le cerisier s’en veut une vedette. Au sud des États-Unis, là où le BBQ se veut une identité en soi, le bois de cerisier est vanté pour sa force de brûlage, mais aussi pour son arôme subtil.
Attention à la consommation de l’écorce et des feuilles qui peuvent être toxiques lorsqu’ingérées en quantité suffisante. Il faut éviter que les animaux d’élevage aient accès aux feuilles du sol, car il y a des risques d’empoisonnement. Certains les utilisent pour la préparation de tisanes, mais nous vous conseillons d’être prudent et de vérifier auprès de votre médecin.
Maladies
Le nodulier noir affecte tous les arbres de l’essence des prunus, le cerisier tardif n’y fait pas exception. Mais on note une plus forte endurance et une vulnérabilité moindre que, par exemple, le prunus de Schubert. Chose certaine, si votre voisinage est déjà orné de cerisier affecté par la maladie, mieux vaudrait éviter d’en planter un sur votre propriété. La maladie du nodulier noir se propage par la pluie, par le vent et par les animaux. Bien que le cerisier tardif soit plus tolérant, mieux vaut lui réserver un endroit à l’abri de la contamination.
Le nodulier noir sort en crottes noires que l’on appelle les nodules. Elles sont laides… surtout en hiver lorsqu’il n’y a plus de feuille pour les cacher. Chaque nodule entraîne la mort de la partie supérieure de la branche affectée. Éventuellement, un nodule peut affecter même le tronc. Il est possible de couper les branches aux parties inférieures aux nodules, à condition de désinfecter les outils entre les coupes. Or, il faut comprendre dans quoi on s’engage. Si votre arbre, en l’occurrence votre cerisier tardif, a trois ou quatre nodules, allez-y sans tarder et enlevez-les. En revanche, lorsqu’un arbre a près de 50% de ses branches affectées, il faut comprendre que la coupe elle-même de cette proportion de branches est en soi suffisante pour causer un stress et un dépérissement pour l’arbre. Sachez aussi que même avec une coupe stérile, il se peut que votre voisinage soit suffisamment affecté pour ramener rapidement le champignon. Il faut donc avoir des attentes réalistes.
Sources :
Farrar, John Laird, Les arbres du Canada, Les Editions Fides, 1996.
Innes, Louise et al., Principales maladies des arbres au Québec, Québec, Publications du Québec, 2006.
Pellerin, Gervais et Hydro-Québec, Répertoire des arbres et arbustes ornementaux: 1760 espèces et variétés de végétaux du Québec, Montréal, Hydro-Québec, 2010.
Williams, Michael D, Guide d’identification des arbres du Québec et de l’est de l’Amérique du Nord, Saint-Constant, Québec, Broquet, 2008.
https://en.wikipedia.org/wiki/Prunus_serotina (consulté le 21 mars 2024)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Prunus_serotina (consulté le 21 mars 2024)
https://pl.wikipedia.org/wiki/Czeremcha_ameryka%C5%84ska (consulté le 21 mars 2024)
https://www.ontario.ca/fr/page/cerisier-tardif (consulté le 2 avril 2024)
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