Le poirier de Mandchourie


07 Oct 2024

Pyrus ussuriensis

Les lecteurs et lectrices de notre blogue connaissent mon amour pour les arbres indigènes du Québec. J’ai déjà fourni des indications pour justifier cette prise de position dans mon article sur la polyarboriculture indigène. Quoi qu’il en soit, certaines espèces introduites offrent aussi des avantages, surtout lorsque la faune locale s’y intéresse. C’est le cas, par exemple, des différentes essences de pommiers ou poiriers qui proviennent d’outre-mer; or les animaux et insectes d’ici s’en nourrissent sans discriminer.

Cherchant une essence avec propension à la survie dans les pires conditions, je choisis le poirier dit « de Mandchourie ». En effet, je n’ai que trop l’impression que les poiriers ont du mal à survivre sur nos territoires urbains. Je me fie à ma pratique : presque chaque fois que j’interviens avec Arboplus sur un poirier, celui-ci a des problèmes de santé qui le font dépérir.

Le poirier de Mandchourie est originaire d’Asie, des régions du Japon, de l’est de la Russie et de la Corée. Il a une cote de rusticité de 2b, ce qui lui confère une endurance en saison hivernale pouvant aller jusqu’à -50 degrés Celsius. Avec une telle adaptabilité au froid, cette essence de poirier se mérite le titre de poirier le plus résistant au gel au monde.

Parfois, les poiriers ou pommiers sont plantés dans le but d’obtenir des fruits, parfois c’est plus pour les fleurs. On constate, par contre, que les gens regrettent l’abondance de fruits à gérer une fois que l’arbre est à maturité. On apprécie les fleurs, mais les fruits deviennent une corvée. C’est ici que les versions à petits fruits peuvent alléger ce fardeau. Avec ses petits fruits, le poirier de Mandchourie est comme un pommetier.

Une chose que l’on ne regrettera pas de sitôt, c’est les belles fleurs au printemps. Symbolique de toutes les beautés dans notre monde, la floraison est éphémère, mais grandiose. Lorsque les fleurs s’estompent pour laisser place aux fruits, c’est une autre beauté que le poirier invite, celle de la faune, avec le chant et la couleur des oiseaux qui s’en nourrissent.

Un petit arbre, des petites poires

Notre poirier, en jeunesse, aura une forme pyramidale, pour revêtir, en maturité, un aspect plus arrondi. Son écorce ressemble à celle du pommier, avec une couleur gris foncé et des fissures le long du tronc. Sa hauteur de six à dix mètres n’est pas très imposante, de sorte qu’on pourrait presque le traiter en arbuste. En revanche, sa largeur de six mètres permet de présenter le spectacle des fleurs avec un peu plus de conviction. Pour atteindre ces proportions, un peu de temps se fera attendre, le poirier de Mandchourie pousse à une vitesse moyenne.

Les feuilles ressemblent beaucoup à celles du pommier et du pommetier. Mesurant de cinq à dix centimètres, elles sont ovales et finement denticulées. Sans élagage, le poirier de Mandchourie aura un feuillage très dense. En été elles seront vert foncé, en automne elles seront rouges. Caduques, elles tombent à l’automne. Si certaines branches gardent des feuilles brunes l’hiver, il se peut que ce soit une infection de la brûlure bactérienne du pommier.

Les fruits, les fleurs et la faune

Les fruits de notre poirier sont comestibles, mais comme beaucoup de versions miniatures de fruits, les poires ont besoin d’être apprêtées. Mangées directement de l’arbre, elles sont réputées amères. On dit qu’un gel peut contribuer à adoucir son goût. Autrement, on peut opter pour la transformation en confiture, en purée, en gelée ou en compote. On ajuste alors l’arôme à notre préférence. En Asie, les fruits de l’arbre ont la notoriété de propriétés médicinales. Elles sont apprêtées pour confectionner des remèdes contre la toux, ou simplement pour être consommées pour ses apports nutritifs. Des recherches sérieuses ont été publiées concernant ses bienfaits.

Les fleurs réjouiront les cœurs contemplatifs. Au printemps, avant que les bourgeons de feuilles ne s’ouvrent, des corymbes roses pâle et ensuite blancs garniront le poirier de Mandchourie pour accompagner le spectacle de ses cousins pommiers. Et vous ne serez pas les seuls à l’apprécier : sur le plan écologique, la floraison d’un poirier jouera un rôle prépondérant pour les pollinisateurs. Abeilles et autres espèces d’insectes importants se serviront du pollen et du nectar.

La floraison dure à peine deux semaines. Pour que les fleurs donnent du fruit, elles doivent être exposées au pollen d’un autre spécimen, ce qui peut être tiré à votre avantage. Si vous ne voulez pas de fruits, vous n’avez qu’à le planter isolé, si vous en voulez, plantez-le en groupement.

Le poirier offre de jolies fleurs blanches en temps de floraison

Le poirier offre de jolies fleurs blanches en temps de floraison

Les petites poires, d’un vert jaunâtre, de 25mm à 40mm de diamètre contribueront également à la faune urbaine, nourrissant différentes espèces d’oiseaux, rongeurs et mammifères. On compte entre autres les cerfs, les lapins et les souris parmi les animaux qui se nourrissent du poirier.

Conditions optimales

Le poirier de Mandchourie aime être planté en plein soleil et s’adapte à n’importe quel ph. Avec un enracinement moyennement profond, on tentera de lui faire une fosse de plantation meuble et riche en profondeur. Son sol idéal est proportionné en sable, argile et limon et devrait être bien drainé. La pollution et le sel de déglaçage ne lui seront pas trop nuisibles.

Pour bien préserver ses structures, particulièrement la fondation, on plante le poirier de Mandchourie à au moins trois mètres de distance. Les racines fines colonisent généralement les 50 premiers centimètres du sol. Le mieux que l’on peut faire pour prévenir les dégâts attribuables aux racines est de prendre soin de celles-ci. Ajout de matière organique, paillis et aération du sol sont d’excellents moyens de donner aux racines ce dont elles ont besoin, de sorte qu’elles n’aient pas à se développer agressivement.

Élagage et entretien

Les poiriers et pommiers sont des arbres qui endurent bien la taille. Toutefois, cela n’est pas dire qu’il soit nécessaire de les tailler en arbre fruitier. Certaines techniques traditionnelles préconisent le rabattage du houppier pour conserver un port dirigé vers le bas. Ces façons de faire visent la production de fruits plus gros et plus juteux, mais ce ne sera pas nécessaire pour un arbre aux poires miniatures. Avec les proportions du poirier de Mandchourie, vous pourrez faire la majorité des travaux vous-mêmes avec un sécateur sur perche.

En jeunesse, on tâche de conserver à l’arbre une seule tête dominante, pour le laisser fourcher une fois adulte. Pour un port plus dégagé et plus régulier, on peut enlever les gourmands qui poussent çà et là. On recommande de l’éclaircir pour faire apparaître la charpente, de manière à ce que l’air et le soleil traversent aisément la cime, ce qui pourra aussi prémunir votre poirier contre la tavelure et la brûlure bactérienne.

Du reste, si ce poirier est planté en isolé, il ne produira pas de fruits, ce qui limitera le besoin de protéger les structures. Par exemple, on doit parfois élaguer les arbres fruitiers pour éviter les chutes de fruits sur les toitures de maison, les capots de véhicule ou simplement dans la piscine. Ce sera un problème à résoudre seulement si votre arbre est planté à proximité d’autres spécimens aptes à le polliniser.

Avec des élagages visant l’éclaircissement, le dégagement des structures ou le contrôle de la couronne, l’élagage peut être fait en toute saison, rappelez-vous que vous n’êtes pas en production fruitière. Les règles de respect de saisons pour l’élagage fruitier ne s’appliquent pas pour un poirier d’ornement. En revanche, comme à l’habitude, on doit respecter une limite de 20% de retrait de masse foliaire. Certes, les pommiers et poiriers sont réputés pour leur endurance à l’élagage sévère, mais cela ne veut pas dire que ce soit souhaitable. En effectuant des élagages qui n’enlèvent que le strict nécessaire pour l’harmoniser avec son milieu urbain, votre poirier restera fort, en bonne santé et moins prompt à l’infection aux pathogènes.

Utilisations

Le poirier de Mandchourie est certainement un arbre prisé pour sa beauté. Ce ne sera pas vraiment un arbre, par exemple, pour contrer le vent ou pour faire de l’ombre. Toutefois, avec une couronne large et une hauteur modeste, il peut créer de l’intimité s’il est placé stratégiquement dans le jardin. On gère alors l’élagage en fonction de ce que l’on souhaite : on le laisse avec un feuillage dense si on cherche l’intimité, on l’éclaircit si on veut un arbre plus ornemental.

Ses fruits sont prisés pour ses vertus médicinales chez les asiatiques, alors que les russes et les ukrainiens les utilisent comme variété de saveur pour le kvas. Les poires sont également utilisées pour produire du thé aux fruits. L’essence de poirier de Mandchourie peut même être extraite pour produire des insecticides biologiques.

Comme ses fruits ne sont pas particulièrement goûteux, il sera souvent croisé avec un poirier plus savoureux. On obtient alors le goût d’une essence en bénéficiant aussi de la rusticité propre à notre poirier. Il est d’ailleurs considéré comme l’un des meilleurs porte-greffe pour la production horticole. Parmi les variétés du poirier, des dizaines ont leur origine dans le poirier de Mandchourie.

Maladies

Les maladies principales à surveiller sont la tavelure et la brûlure bactérienne du pommier.

La tavelure est une maladie fongique qui se manifeste par des taches brunes et des crevasses sur les fruits et les feuilles. La maladie se renouvelle à partir des fruits qui sont au sol, on recommande donc de les ramasser le plus vite possible pour interrompre le cycle de reproduction. Il existe aussi des fongicides qui se vendent en pépinière.

La brûlure bactérienne est une maladie qui se répand par les animaux ayant été en contact avec les bactéries. Elle cause la mortalité rapide des rameaux, laquelle se reconnaît avec la persistance de feuilles brunes sur ceux-ci. Pour empêcher la propagation, il faut élaguer les branches affectées et les détruire. Attention de ne pas frotter les branches malades sur les branches saines, ce qui peut propager l’infection. Par temps humides, on désinfecte les outils avec de l’alcool entre les coupes, mais, idéalement, on peut attendre l’hiver qui est un temps moins propice à la propagation, et alors la désinfection des outils n’est pas nécessaire.

Sources :

Després, Catherine, et Ariane Desjardins, Abécédaire des arbres de A à Z, Éditions Petite Fleur., 2019.
Farrar, John Laird, Les arbres du Canada, Les Editions Fides, 1996.
Innes, Louise et al., Principales maladies des arbres au Québec, Québec, Publications du Québec, 2006.
Lim, Tong Kwee, Edible medicinal and non-medicinal plants. Volume 4, Fruits, 1 online resource (xiii, 1022) : illustrations (some color) vol., (coll. Edible medicinal and non-medicinal plants 4), Dordrecht ;, Springer, 2012.
Pellerin, Gervais et Hydro-Québec, Répertoire des arbres et arbustes ornementaux: 1760 espèces et variétés de végétaux du Québec, Montréal, Hydro-Québec, 2010.
https://agriculture.canada.ca/fr/production-agricole/protection-cultures/ressources-matiere-lutte-antiparasitaire-agriculture/tavelure-du-pommier-mieux-comprendre-mieux-intervenir#a7 (consulté le 5 mars 2024).
https://www.iriisphytoprotection.qc.ca/Fiche/Bacterie?imageId=8503 (consulté le 5 mars 2024).
https://www.ontario.ca/fr/page/la-tavelure-du-pommier (consulté le 5 mars 2024).
https://www.quebec.ca/agriculture-environnement-et-ressources-naturelles/agriculture/mauvaises-herbes-insectes-maladies/obligations-pommiers-sur-votre-terrain (consulté le 5 mars 2024)

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Dominic Perugino

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