Le pommier thé
16 Sep 2024
Malus hupehensis
Il y a tellement d’espèces de pommiers. Des variétés horticoles pour tous les goûts : des grosses ou petites pommes, des fleurs blanches ou des fleurs roses, des petits ou des gros arbres, etc. Selon les recherches de Farrar, il y aurait 25 espèces de pommiers au Canada, dont seulement deux seraient indigènes. Pour les autres, elles seraient naturalisées au fil du temps, c’est-à-dire qu’elles ont trouvé habitât, cycle de reproduction, sol de prédilection et tout ce qu’il faut pour qu’un arbre se sente chez lui.
Quel est le meilleur pommier pour le Québec?
Avec tout cela, quand vient le temps de choisir un pommier dans une pépinière, on se demande lequel est le meilleur. Le concept abstrait du « meilleur » pommier est problématique, meilleur pour quoi, pour qui et où? Si votre but est de cultiver de grosses pommes juteuses, un choix vous conviendra plutôt qu’un autre. Si vous voulez des belles fleurs et des belles couleurs, mais que les pommes sont plutôt à vos yeux une corvée, alors un pommier qui produit des pommettes sera le « meilleur » pour vous.
Je me souviens que pour mon grand-père, et son père, tout aménagement paysager devait être comestible. Ah, j’oubliais de préciser : ils étaient des Italiens de la région de Campobasso donc, avec leurs traditions, aucune place pour de la pelouse, tout servait à faire un potager. L’arrière grand-père (ou nonno en italien), ne sachant ni lire ni écrire, connaissait tout sur la taille des arbres fruitiers. Dans leur contexte, c’était plus une question de survie que de loisir. On voit la rétention de ces traditions dans les quartiers italiens de Montréal, où les minuscules cours donnant sur des ruelles sont ornés de figuiers, cerisiers et pommiers, sans oublier les vignes qui se promènent sur les pergolas.
C’est du sport, et il faut savoir ce que l’on fait. Si vous vous dites qu’on pommier serait beau, et que, à côté, vous pourriez profiter de quelques pommes, vous commettez une erreur. Sans les connaissances et sans le temps à invertir pour la taille et le ramassage des pommes, votre cour sentira le vieux cidre dès le début de l’automne.
Dans mon expérience, les pommiers de ville sont surtout des arbres ornementaux. C’est pourquoi je vous présente ici un pommier à pommettes, ou pommetier, pour que vous puissiez profiter de son aspect ornemental sans vous tracasser avec la pomiculture.
Le meilleur pommier pour vous
Il s’agit du pommier thé. Est-ce le meilleur pommier pour le Québec? Je vais vous donner des raisons de le choisir et vous déciderez par vous-mêmes si c’est le meilleur. Avec la beauté de ses fleurs, sa rusticité, ses dimensions et sa résistance aux maladies communes du pommier, je crois que j’ai de quoi vous convaincre.
La zone de rusticité du pommier thé est de 3b dans le Répertoire d’Hydro-Québec. Tout ce qui est au sud d’une ligne tracée entre Maniwaki et Shawinigan est un territoire aux hivers qu’il peut s’accommoder. Il prend cette rusticité de son pays d’origine : la Chine, dans la province du Hubei, d’où il tire son nom latin « hupehensis ». Dans les concours de jardinage, le pommier thé remporte des prix pour sa beauté. Ses propriétés sont tellement prisées qu’on l’utilise beaucoup comme porte-greffe. On cherche ainsi à transmettre sa résistance aux maladies, sa floraison tardive et la précocité de ses feuilles.
Il s’agit d’un petit arbre, un arbrisseau donc, pour une hauteur de cinq à huit mètres et une largeur de huit mètres. Sa couronne est ouverte et désorganisée avec un port large. Son écorce est brun, grisâtre et lisse en jeunesse, un peu plus rugueuse à maturité. Le pommier thé prend son temps, il ne pousse pas vite. Ses feuilles sont vertes et entourées de rouge au printemps, vertes en été et, à l’automne, elles seront jaunes avant de tomber. Mesurant de cinq à dix centimètres de longueur, elles ont une forme ovale au contour denticulé, avec un sommet pointu et une base qui s’interrompt en coin vers le pétiole.
Les fruits, les fleurs et la faune
Le pommier, ou pommetier thé, produit des petites pommettes faciles à gérer. Si elles ne nous intéressent pas pour la consommation, un raclage fait très bien l’affaire pour ramasser et éviter l’odeur de putréfaction. Hop dans le compost! Ou, pourquoi pas : hop dans la cuvette. On peut très bien ramasser les fruits au râteau pour les laver, les faire bouillir pour ensuite les transformer en gelée, en compote ou en confiture. L’idée d’avoir un pommier pour la beauté, pour se dire : « et s’il y a des pommes, on verra rendu là! », est une mentalité qui correspond très bien à un arbre à pommette comme le pommier thé. C’est vous qui décidez.
Les pommettes seront une source importante de nourriture pour les oiseaux et les mammifères. D’ailleurs ce sont eux qui répandent les semences plus loin lorsqu’ils consomment les fruits. Les pommettes abondantes, grosses d’un diamètre de dix millimètres, seront orangées en début d’été, puis rouges vers la fin de la saison.
Mais ce sont les fleurs qui nous intéressent ici; le spectacle du pommier thé est unique. Avec son port évasé et sa couronne large, les fleurs en abondances sont présentées comme un tableau de peintre avec un goût pour l’abstrait ou le cubisme. Avant l’ouverture des fleurs blanches de quatre centimètres de diamètre, celles-ci sont cachées dans des petits boutons roses. Une fois ouvertes, elles seront rassemblées en bouquets de quatre à six fleurs, lesquelles sont composées de cinq pétales. D’avril à mai, c’est le temps de se déplacer pour contempler un spécimen de près, question de voir pour croire. Heureusement, sa floraison dure plus longtemps que les autres pommiers.
Conditions optimales
Pour un pommier thé en bonne santé, on lui réserve un espace en plein soleil. Confiez les arbres qui peuvent lui faire de l’ombre à un arboriste qualifié pour un élagage d’éclaircissement. Son sol devrait être d’une humidité moyenne, donc bien drainé. Un pH neutre à légèrement acide lui conviendra, alors que la texture est sans importance.
Son enracinement est superficiel, rien à craindre pour les fondations. Toutefois, si vous voulez un arbre près de votre maison, une limite de trois mètres est une règle qui peut vous éviter bien des ennuis.
Élagage et entretien
Le mieux que l’on peut faire, comme pour tout arbre, est de le planter avec une distance qui l’empêchera d’entrer en conflit avec les structures. Avec une largeur de huit mètres pour l’arbre, une distance de trois à quatre mètres entre le tronc et les structures est suffisante. On élaguera les branches qui nuisent à la maison, aux fils électriques ou autres structures.
Ceci étant dit, c’est un arbre qui vit très bien avec les tailles sévères. On peut faire des appels-sève presque partout, on peut lui imposer une forme, on peut l’éclaircir, on peut même le planter à l’intérieur pour en faire un bonsaï. Je ne souhaite pas cautionner ici les émondages de tout type, surtout pour les «non experts». Les vétérans peuvent tailler l’arbre en espalier, pour lui donner une forme de mur, ou faire un palissé en « U », pour lui donner une forme, eh bien, de la lettre U. Les tailles sévères peuvent avoir leur place si on sait ce que l’on fait et si on sait qu’il est possible de poursuivre le traitement dans le temps. Une fois que c’est commencé, on ne peut plus arrêter. Car avec une interruption d’entretien, l’arbre recommence à se développer naturellement, et alors, l’arbre se retrouve avec une forme naturelle ajoutée à une forme artificielle, et rien ne va plus.
Pour le commun des mortels, suivez mon conseil : plantez-le loin des structures et contactez un arboriste diplômé aux cinq ans pour un entretien sanitaire, c’est tout.
Utilisations
On l’utilise pour le thé! J’arrive enfin au point de le dire : on ne consomme pas que ses fruits. Les Chinois disent que trois feuilles de pommier thé sont suffisantes pour un pot de thé rafraîchissant. Dans les régions du Hubei et du Hunan, les feuilles de cet arbre sont accessibles partout, alors, gratuitement, on remplace le thé noir grâce à cet arbre. Imaginez si on pouvait faire pareil avec des feuilles d’érable…
Avec ses dimensions, il ne fera pas un arbre d’ombre ou contre le vent. Il fera un des « meilleurs » arbres pour faire un mur d’intimité, sans gêner les structures en hauteur. La couronne est si large qu’un seul spécimen peut suffire pour bloquer la vue dans une direction.
Deux facteurs peuvent se combiner ici : il supporte bien la taille et se reproduit facilement par semis. D’abord, on peut se procurer des semences en pépinières ou en ligne. Mais ensuite, pensez à commencer votre premier projet de bonsaï avec cet arbre. Un petit arbre rustique dans le salon avec de belles fleurs, et quelques feuilles pour faire un thé à la bonne franquette!
Maladies
Le pommier thé n’est pas immunisé contre la brûlure bactérienne et la tavelure, mais il est réputé résistant. On doit donc rester vigilant pour déceler la maladie et prendre les mesures nécessaires : couper les branches affectées et racler les feuilles le plus vite possible. Mais on sait qu’il n’est pas sensible autant que d’autres variétés de pommier, c’est pourquoi nous croyons que le pommier thé sera le meilleur au Québec pour un jardinier occupé.
Sources
Després, Catherine, et Ariane Desjardins, Abécédaire des arbres de A à Z, Éditions Petite Fleur., 2019.
Farrar, John Laird, Les arbres du Canada, Les Editions Fides, 1996.
Innes, Louise et al., Principales maladies des arbres au Québec, Québec, Publications du Québec, 2006.
Pellerin, Gervais et Hydro-Québec, Répertoire des arbres et arbustes ornementaux: 1760 espèces et variétés de végétaux du Québec, Montréal, Hydro-Québec, 2010.
https://en.wikipedia.org/wiki/Malus_hupehensis (consulté le 7 mars 2024)
https://zh.wikipedia.org/wiki/%E6%B9%96%E5%8C%97%E6%B5%B7%E6%A3%A0 (consulté le 7 mars 2014)
https://ru.wikipedia.org/wiki/%D0%AF%D0%B1%D0%BB%D0%BE%D0%BD%D1%8F_%D1%85%D1%83%D0%B1%D0%B5%D0%B9%D1%81%D0%BA%D0%B0%D1%8F (consulté le 7 mars 2024)
https://de.wikipedia.org/wiki/Tee-Apfel (consulté le 7 mars 2024)
https://es.wikipedia.org/wiki/Malus_hupehensis (consulté le 7 mars 2024)
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