Le sapin baumier


31 Juil 2024

Abies balsamea

Le sapin baumier est un des arbres les plus connus au Québec. On le connaît tous à sa présence universelle dans nos salons pour Noël. Tellement que, plutôt que de dire « arbre de Noël » comme il est commun dans d’autres langues, nous disons « sapin de Noël ». C’est dire toute l’importance de cet arbre dans notre imaginaire et notre culture, et, pourtant, la majorité du public se méprend régulièrement quant à son identification. Les conifères les plus répandus comme arbres d’ornement en milieu urbain ne sont pas les sapins baumiers, mais les épinettes. Dans le métier d’arboriste, il nous est familier de simplement laisser aller les fausses appellations de « sapin » appliquées à des épinettes, on ne vous en veut pas.

Le sapin baumier a une grâce particulière, une délicatesse propre à son essence qui le distingue de son homologue ornemental. On peut, par exemple, passer les rameaux dans nos mains pour faire se dégager la bonne odeur du sapin, alors que ce serait bien désagréable, douloureux même, avec une épinette. Notre arbre de Noël favori est indigène du Québec et peut endurer les climats les plus froids du Grand Nord. Il est une essence fragile qui rétrécit en population, ce qui en fait un bon candidat pour une plantation écoresponsable.

Un arbre doux et aromatique

La forme du sapin baumier est d’une symétrie remarquable, comme s’il était taillé en cône parfait. Les branches sont légères et poussent à l’horizontale. Les jeunes spécimens, quand on les croise dans la forêt, donnent une impression de délicatesse, de sorte que l’on pourrait s’imaginer en arracher un pour le ramener chez soi parce que le tronc et les branches sont si minces. L’écorce du jeune sapin baumier tend vers le grisâtre, alors qu’elle devient brune avec l’âge. L’écorce est plutôt lisse, mais la gomme parfumée crée des irrégularités sur le tronc en des sortes de boursouflures.

On considère cette espèce de conifère comme un arbre à moyen déploiement, pouvant atteindre, d’une croissance lente, les 18 mètres de hauteur, 25 mètres tout au plus. Son tronc à maturité mesurera entre 50 cm et 70 cm, et la largeur de sa masse foliaire devrait donner à un spécimen d’environ sept mètres.

Les feuilles

Les petites feuilles de 15 à 25 mm du sapin baumier se nomment « aiguilles » par convention, mais elles ne méritent pas l’appellation, car elles sont douces comme tout et on peut les manipuler sans se faire mal. D’ailleurs, elles n’ont pas une forme d’aiguille, mais sont plutôt plates, soyeuses et reluisantes comme des franges de faux cuir. Disposées en ronde autour des rameaux, elles sont persistantes comme la majorité des conifères et, toute l’année, elles ont une couleur vert foncé, plus brillante en été.

Les fruits et la faune

Arbre indigène, il couve les petits et grands animaux qui cherchent un doux refuge lors d’intempéries. Ses rameaux et ses graines servent de nourriture. Les porcs-épics mangent son écorce, alors que les oiseaux et les écureuils mangent les graines contenues dans les cocottes résineuses qui mesurent de 5 à 7 cm de longueur. Un cycle de production de fruits typique pour le sapin baumier donne une production d’environ tous les 2 à 4 ans.

Les fruits du sapin baumier sont des cocottes résineuses

Les fruits du sapin baumier sont des cocottes résineuses

Conditions optimales

Rappelons que c’est un arbre surtout répandu dans le Nord, il aime donc le froid. Toutefois, il est aussi rustique des régions plus au sud dans le Québec, il peut donc s’acclimater à plusieurs contextes météorologiques. Facile à planter, on lui réserve une terre bien humide, acide de préférence. On peut lui allouer une place dans une cour déjà peuplée, car il tolère très bien l’ombre. L’ombre est d’ailleurs une bonne mesure préventive contre la tordeuse des bourgeons.

Il se fera des amis avec des peupliers faux trembles, des bouleaux, des épinettes et des pruches. D’ailleurs, il est un arbre idéal pour un petit terrain, avec des dimensions modestes et une vitesse de croissance lente. Il tolère mal le sel de déglaçage et la pollution, mais se débrouille dans un sol compacté. Il peut donc être considéré comme un bon arbre de ville, mais l’arrière-cour sera de mise, avec un peu d’arrosage pour pallier la sécheresse. En revanche, les grands terrains de campagne peuvent se peupler de sapins baumiers facilement, sans tracas ni entretien substantiels.

On le plante à un endroit où il n’aura pas besoin d’élagage, ce qui permettra de préserver sa forme, donc un bon trois mètres ou plus avec les structures urbaines comme les fils ou la maison. Avec un enracinement superficiel et sans racine pivotante, rien à craindre pour les fondations ou les canalisations. Avec un bon entretien de la terre, comme l’application de paillis et une bonne aération du sol, l’arbre pourrait vivre longtemps, considérant que, en forêt et loin de la pollution, il peut vivre près de 150 ans.

Élagage et entretien

Le sapin baumier n’est pas un arbre à élaguer. Impossible de couper une branche par-ci ou par-là sans faire d’affreux trous. Avec une masse foliaire qui pousse du sol au houppier, on peut opter pour une élévation de couronne pour faire plus d’espace, ou par goût esthétique personnel, mais c’est tout. Si votre spécimen est planté, par exemple, en dessous de fils d’entrée de maison, il est certain que l’arbre perdra sa belle forme pyramidale avec l’élagage. Limitez la visite de l’arboriste expert pour des inspections de santé et de sécurité plutôt que pour couper inutilement des branches.

L’élagage d’un sapin baumier n’améliorera pas sa santé. En revanche, une aération du sol, du paillis et un arrosage au besoin pourront lui donner de nombreuses années avec une fière allure.

Utilisations

Avec sa forme et sa cime qui descend jusqu’au sol, le sapin baumier peut faire un bon arbre pour procurer de l’intimité et pour contrer le vent. On peut en aligner plusieurs pour former un mur qui bloquera le vent, le son et les interactions indésirées avec le voisinage. On dit bien un mur, et pas une haie. N’allez pas aligner des sapins baumiers pour les tailler avec une cisaille à haie, cette espèce à croissance lente n’est pas faite pour ce genre de traitement. Avec des feuilles persistantes, les avantages d’intimité demeureront en été comme en hiver.

Ce n’est pas un arbre à planter pour se protéger du soleil, car il ne fait pas vraiment d’ombre. Or ceci peut être une bonne ou une mauvaise chose selon vos besoins. Par exemple, si vous avez un sapin baumier à une distance respectable de votre piscine, disons trois mètres et demi, la cime de l’arbre n’ira jamais se développer au-dessus de celle-ci. Car, la forme est pyramidale : la cime en hauteur est plus petite qu’en bas, il fait donc tout le contraire d’un arbre parasol. Pour un conifère qui fait de l’ombre, un pin blanc serait un choix plus judicieux.

Maladies et ravageurs

À part certaines maladies fongiques comme le pourridié, il faut surtout porter une attention à la tordeuse des bourgeons qui ravage les peuplements de sapins baumiers dans nos forêts. Il s’agit d’une petite chenille qui consomme la pousse annuelle. Si votre sapin a les bouts de rameaux dévorés avec une couleur rougeâtre, c’est un signe d’infestation. Plus l’arbre est jeune, moins il est vulnérable, considérez aussi que la région métropolitaine est une des moins affectées au Québec. Il existe un insecticide utilisé pour tuer les larves : le Bacillus thuringiensis kurstaki (BTK). On peut en trouver dans les quincailleries populaires.

Les feux de forêts sont ravageurs pour le sapin baumier. Contrairement à certaines essences qui profitent des incendies, les effets du brûlage interrompt son cycle de reproduction.

Sources

Després, Catherine, et Ariane Desjardins, Abécédaire des arbres de A à Z, Éditions Petite Fleur., 2019.
Farrar, John Laird, Les arbres du Canada, Les Éditions Fides, 1996.
Innes, Louise et al., Principales maladies des arbres au Québec, Québec, Publications du Québec, 2006.
Pellerin, Gervais et Hydro-Québec, Répertoire des arbres et arbustes ornementaux : 1760 espèces et variétés de végétaux du Québec, Montréal, Hydro-Québec, 2010.
Williams, Michael D, Guide d’identification des arbres du Québec et de l’est de l’Amérique du Nord, Saint-Constant, Québec, Broquet, 2008.
https://www.ontario.ca/fr/page/sapin-baumier#:~:text=Bienfaits%20pour%20la%20faune,s’abritent%20sous%20cet%20arbre (consulté le 1 mars 2024)
https://aimfc.rncan.gc.ca/fr/arbres/fiche/80 (consulté le 1 mars 2024)
https://mffp.gouv.qc.ca/les-forets/protection-milieu-forestier/protection-forets-insectes-maladies/fiches-insectes/tordeuse-bourgeons-epinette/ (consulté le 1 mars 2024)

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Dominic Perugino

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