L’érable de l’amur

Érable de l'amur - Acer Ginnala
03 Juin 2024

Acer ginnala

Avec mon expérience en tant qu’arboriste, il y a bien des choses que je déplore dans la façon dont les arbres ont été gérés au Québec. Si je devais en nommer une, ce serait celle-ci : la plantation des mauvais arbres aux mauvais endroits, surtout en ce qui concerne les lieux en proximité de lignes électriques. Certains arbres sont, en séries, plantés directement en dessous des fils électriques de sorte qu’ils ont besoin d’un élagage constant, et, trop souvent, dommageable en plus. Des essences comme l’érable argenté pouvant atteindre les 25 mètres de hauteur n’ont pas leur place en dessous d’un fil électrique. Trop de beaux spécimens sont défigurés à force de faire des élagages pour respecter la distance entre les fils et les arbres.

En revanche, je suis content de voir qu’il y a, dans les villes, un effort pour faire des plantations plus intelligentes, en utilisant des essences qui ont les dimensions appropriées pour leur lieu de plantation. Parmi ceux-ci, il y a le lilas japonais et l’érable de l’amur.

S’il y a un arbre que l’on voit de plus en plus dans les milieux urbains, c’est bien l’érable de l’amur. Avec ses proportions modestes, il ne dérange pas les structures, en particulier les fils électriques. Par nature, il est bien adapté aux conditions urbaines comme la pollution. De plus, il est rustique du Québec, pouvant tolérer des températures allant jusqu’à -34 degrés Celsius. Avec de telles propriétés, ce n’est pas surprenant qu’on le recommande de plus en plus. Et, ce faisant, avec des arbres adaptés pour leur milieu et leur climat, nous obtenons des paysages plus beaux, plus sécuritaires, et moins coûteux.

Essence introduite, l’érable de l’amur tire son nom de son origine géographique : la vallée du fleuve de l’Amour en Russie. Il est aussi répandu en Chine, au Japon, dans l’est de la Mongolie et en Corée.

Petit arbre ébouriffé

Avec une vitesse de croissance moyenne à rapide, cette espèce d’arbre est considérée comme un arbrisseau à cause de sa petite taille d’une hauteur de huit mètres, tout au plus, avec une largeur de six mètres. Son port est rond, mais très aléatoire. En le laissant aller sans taille de formation, on le dirait presque buissonnant avec ses nombreuses réitérations. On le voit rarement avec un tronc unique et central, mais plus souvent avec des troncs en jonction qui partent presque au niveau du sol. Il fait office d’arbre, mais ses comportements de vivacité et de pousse ressemblent plus à un arbuste. Son écorce est mince et lisse, surtout en jeunesse, avec une couleur gris brunâtre, alors qu’avec l’âge elle tirera plus vers le brun pâle et s’ornera de fissures verticales.

Les feuilles ne sont pas typiques de l’érable. Elles sont petites, de huit à dix centimètres de longueur, d’une forme triangulaire. Elles sont fortement dentées et à trois lobes, le limbe central est en forme de diamant au milieu et deux petits limbes de chaque côté du pétiole pointent à gauche et à droite. Elles auront une couleur vert foncé sur le dessus et vert pâle en dessous. Pour l’automne, le rouge vif brillant lui mérite toute l’attention qu’il reçoit. Les érables à sucre et les érables rouges sont les indigènes qui nous ont familiarisés avec cette attraction; or l’érable de l’amur s’introduit chez nous de l’Asie avec une expression du rouge d’automne qui nous le fait adopter sans effort.

 

Les fruits et la faune

Les petites fleurs blanches en grappe, à peine perceptibles, attirent les pollinisateurs. En fait, dans l’industrie du miel, l’érable de l’amur a sa petite place bien à lui. Surtout en Asie, où l’arbre est indigène, les grands peuplements servent à la production mellifère. On décrit le miel de l’amur comme ayant un goût d’amande subtil. Pour les curieux, il est possible de s’en procurer en ligne.

Hormis la pollinisation, l’interaction avec la faune n’est pas très documentée. On note seulement au passage qu’il attire les oiseaux. Les fruits et les fleurs n’ont pas vraiment d’intérêt ornemental. Les petites samares rouges d’environ deux centimètres en paires se fondent bien, à l’automne, avec la couleur du feuillage.

Les samares rouges de l'érable de l'amur poussent en duo

Les samares rouges de l’érable de l’amur poussent en duo

Conditions optimales

L’érable de l’amur n’est pas un arbre difficile. Il peut être planté au soleil ou en mi-ombre. Pour son sol, il peut être d’humide à sec et de n’importe quelle texture. Il préfère un pH neutre, ce qu’on peut facilement lui procurer avec de la matière organique comme du compost ou du paillis. Une fois l’enrichissement fait, une aération du sol créera l’environnement idéal pour un spécimen avec des racines en bonne santé. Il tolère bien le compactage et le sel de déglaçage ainsi que la pollution en général.

Son enracinement est superficiel et n’est pas une menace pour les structures. On maintient, néanmoins, l’indication de le planter à une distance minimale de trois mètres de votre fondation. En revanche, les structures comme les fils électriques n’imposeront pas de distance, c’est un des avantages de cette essence, car sa croissance n’est pas menaçante et il tolère bien l’élagage.

Élagage et entretien

Dans le meilleur des mondes, un érable de l’amur n’aurait jamais besoin d’être élagué. Avec ses dimensions modestes, il n’est pas censé nuire aux structures. Mais il peut arriver qu’on le plante intentionnellement près d’une structure que l’on cherche à cacher, comme un transformateur ou des fils de basse tension ou de télécommunication. Et c’est là un autre argument pour la pertinence de l’érable de l’amur comme arbre de ville : il endure bien la taille. Ainsi, on peut le planter près des structures et on peut l’élaguer lorsque les branches arrivent trop près de celles-ci. Avec sa petite dimension, l’arbre pourra être élagué avec un sécateur sur perche. Au mieux, on fait des petits entretiens réguliers pour éviter les grosses coupes. Ainsi, si on voit une branche qui se dirige vers un fil, on la coupe avec le sécateur alors qu’elle est encore petite. Ce faisant, on forme l’arbre à son environnement. Les petites coupes sont plus faciles à compartimenter et elles permettent de préserver la santé et la sécurité de l’arbre. En sens inverse, si on attend trop longtemps, on se voit obligé de couper de grosses branches, ce qui laisse des ouvertures plus difficiles à compartimenter et qui restent plus longtemps vulnérables aux pathogènes. Avec un arbre de cette taille, pas d’excuse, il faut l’entretenir régulièrement et avec minutie.

Rares sont les érables de l’amur qui ont une structure ordonnée, et il n’y a là rien de mal. Nulle obligation de faire des élagages de formation pour lui imposer une forme. Mais c’est une avenue légitime si c’est important pour vous. La taille de formation consiste alors à prévoir une dominance apicale, c’est-à-dire d’assurer la présence d’une seule tête. On coupe les branches qui en croisent d’autres et on enlève celles qui reviennent vers le centre. Ceci donnera à votre spécimen une esthétique qui ressemble plus à un arbre comme l’érable à sucre ou l’érable rouge. Autrement, si l’on aime un aspect plus arbustif et ébouriffé, on le laisse aller. On se contente de prévenir les problèmes structuraux comme les branches interférentes, et c’est tout. On n’aura pas besoin de surveiller des choses comme les fourches faibles, car les dangers liés à des chutes de branches sont à peu près nuls. Bref, l’érable de l’amur est un arbre que l’on peut planter sans tracas. On peut l’élaguer, ou pas…

Utilisations

Avec ses dimensions, l’érable de l’amur ne fait pas un très bon arbre d’ombre ou contre le vent. Mais il est l’arbre parfait pour l’intimité. Si on peut le planter pour cacher une structure peu bucolique, on peut faire de même pour se cacher du public! Sans en faire une haie, à strictement parler, il se plante très bien en alignement pour produire un mur d’intimité. Il peut aussi être planté en isolé dans un jardin, comme arbre décoratif. Il sera alors élagué d’une façon particulière, pour lui donner une apparence soignée, apparence qu’il ne détient pas naturellement.

Comme arbre qui tolère bien la taille, l’érable de l’amur peut être mis en pot. Si le but est de le conserver à l’intérieur, il faudra certainement l’élaguer pour qu’il conserve des proportions acceptables. Ceci dit, on préconise son utilisation pour le bonsaï. Pour ceux que cela intéresse, la taille d’un arbre en bonsaï est un art en soi, avec ses règles, ses outils et ses techniques. Heureusement, avec tout ce que l’on peut trouver en ligne, il est possible de devenir un artisan du bonsaï en herbe en restant chez soi. Il existe des compagnies qui vendent les équipements de base pour la pratique, comme les broches spéciales pour tenir l’arbre en place ainsi que les ciseaux appropriés. On peut aussi s’éduquer avec des vidéos qui montrent les procédés, certaines concernent directement l’acer ginnala. Selon les dires, il s’agit d’un arbre parfait pour les débutants du bonsaï.

Dans les régions asiatiques où les peuplements sont indigènes, il est utilisé pour son bois, mais aussi pour produire des teintures, de l’encre et du thé. L’arbre serait aussi considéré dans la médecine traditionnelle comme thérapeutique pour les affections oculaires. Il a aussi une importance pour les conventions feng shui.

Maladies

Peu de maladies sont à signaler. L’érable de l’amur est capable de se battre contre les chancres et autres maladies fongiques. Certaines maladies des feuilles comme la criblure et l’anthracnose pourront l’affecter. Les maladies des feuilles sont faciles à traiter et n’affectent pas la santé des arbres outre mesure. Avec un érable de l’amur, il sera aisé de racler les feuilles automnales pour les détruire. Ce faisant, on interrompt le cycle d’infestation.

Sources :

Després, Catherine, et Ariane Desjardins, Abécédaire des arbres de A à Z, Éditions Petite Fleur., 2019.
Farrar, John Laird, Les arbres du Canada, Les Editions Fides, 1996.
Innes, Louise et al., Principales maladies des arbres au Québec, Québec, Publications du Québec, 2006.
Pellerin, Gervais et Hydro-Québec, Répertoire des arbres et arbustes ornementaux: 1760 espèces et variétés de végétaux du Québec, Montréal, Hydro-Québec, 2010.

https://en.wikipedia.org/wiki/Acer_ginnala (consulté le 5 mars 2024)
https://ko.wikipedia.org/wiki/%EC%8B%A0%EB%82%98%EB%AC%B4 (consulté le 5 mars 2024)
https://ru.wikipedia.org/wiki/%D0%9A%D0%BB%D1%91%D0%BD_%D0%BF%D1%80%D0%B8%D1%80%D0%B5%D1%87%D0%BD%D1%8B%D0%B9 (consulté le 5mars 2024)
https://de.wikipedia.org/wiki/Feuer-Ahorn (consulté le 5 mars 2024)
https://nl.wikipedia.org/wiki/Amoeresdoorn (consulté le 5 mars 2024)

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Dominic Perugino

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